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21 février 2014 5 21 /02 /février /2014 16:09

 

Niort, Deux-Sèvres. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

 

Donna Tartt : Le Chardonneret,

ou les illusions de la liberté ;

Le Maître des illusions ou l’université de Dionysos.

 

 

 

Donna Tartt : Le Chardonneret,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Edith Soonckindt, Plon, 798 p, 23 €.

 

Donna Tartt : Le Maître des illusions,

traduit par Pierre Alien, Plon, 528 p, 23 €.

 

 

 

 

Une jeunesse dévastée par le mal, délavée de ses illusions, telle semble être la colonne vertébrale de l’entreprise romanesque de Dona Tartt, qui, de décennie en décennie, publie de vastes fresques, aventureuses et ciselées. Fil d’Ariane et memento mori, le tableau de 1654 de Fabritius donne son titre, Le Chardonneret, à un roman touffu, ambitieux, faussement sage. Cachant pendant des années le tableautin d’un maître flamand, un jeune narrateur traverse les vies et les morts, les Etats-Unis, l’Europe, enchaînant son libre-arbitre et son destin. Sans compter Le Petit copain (2003), c’est là le troisième roman de Donna Tartt, après le remarquable Maître des illusions (1992), college novel à la lisière de l’antiquité grecque et du thriller criminel. Tous deux glissent sans peine sous la langue de la lecture, ce qui n’empêche en rien qu’ils soient faits de plans puissants et intimes, de fulgurantes notations métaphysiques et esthétiques.

Comme l’explosion de la poudrière de Delft tua le peintre du « Chardonneret », celle du Musée de New-York tue la mère de Théo, treize ans. Qu’importe le malin terrorisme à l’œuvre, ce péché originel des tyrans, car le point de vue de l’enfant parmi ruines et cadavres est absolument cotonneux, ce en quoi la maîtrise narrative est redevable d’Henry James. Choqué, il veille aux derniers instants d’un vieillard qui lui confie une étrange bague, mais aussi ce « Chardonneret » réchappé des décombres. Vieillard d’autant précieux pour sa destinée qu’il accompagnait une jeune rousse : Pippa, qu’il retrouvera convalescente, perdra… L’orphelin, à jamais nostalgique de sa mère, sera recueilli parmi la famille Barbour, grands bourgeois compassés, puis par son père, alcoolique ressurgi des limbes, qui l’emmène à Las Vegas, enfer et paradis des drogues, du jeu et des règlements de compte. On comprend alors que cette affection paternelle n’est que le masque de la cupidité. La mort du père le délivre du vide acéré où ne surnage que l’amitié picaresque et déjantée de Boris. A New York, il retrouve celui à qui il a rendu la bague, Hobbie, vieux restaurateur de meubles et antiquaire charmant qui l’initie à son métier, bientôt mené avec brio, au seuil d’une maturité sans cesse compromise. Cachant toujours le modeste et cependant fabuleux tableau du passereau, les péripéties ne manquent que rarement leur cible…

Entre tableaux de sociétés et épisodes rocambolesques, ce roman d’apprentissage déploie l’art du détail et du vaste panoramique. D’autant qu’il est construit sur des contrastes. Pluvieuse New-York contre désert et lumière des banlieues du Nevada, pénombre de l’atelier d’Hobbie, drogues méthodiques et manque, addiction amoureuse pour Pippa (« une fosse à goudron pour l’âme »), mariage avorté avec Kitsey, objets d’arts précieux, ou trafiqués en « jeunes Frankenstein », auprès du mentor, arnaques et honnêteté, froideur et troubles psychiques des uns, amour et amitié des autres, personnalités miroirs… Sans être manichéen, le récit laisse à Théo le choix entre le bien le mal, entre mauvaises et bonnes influences, quand le sens de son prénom suggère une transcendance imaginable.

 

 

 

 

Sous le clavier prolixe et soigneux de Dona Tartt, l’écriture associe densité psychologique et qualités sociologiques, quelques soient les milieux brossés, descriptions et émotions aussi sensibles que pathétiques, sans compter la capacité didactique, science du restaurateur de mobilier ancien ou de la vente,  façons dont le héros apprend à lire les facettes du monde qui l’entoure. Les atmosphères, odeurs, lueurs de vernis, appartements chargés de mémoire, canaux d’Amsterdam, portraits de Pippa, pénètrent avec un soin ductile le corps du lecteur. Assurément, le suspense insidieux s’infiltre en toutes les nervures du roman : Théo, recéleur de l’inestimable tableau du maître ancien, homme d’affaires d’antiquités surfaites, escroc aux combines foireuses, criminel sordide en toute légitime défense, sera-t-il arrêté par le FBI, ou par ses propres démons ?

Lumineux fétiche, « trompe-l’œil » ou « barbouillage » savant, encombrante culpabilité, de quoi ce « Chardonneret », enfermé dans « la taie d’oreiller », mis au coffre, volé, finalement restitué, est-il l’allégorie ? « Plus adorable encore parce qu’il appartenait à un passé irrécupérable », il est objet de culte dans un monde agnostique ; à moins de se demander : « Est-ce que Dieu a le sens de l’humour cruel ? » Il est « lueur quasi musicale » : « Mon tableau qui, même enveloppé et caché, comme une sainte icône que porterait un croisé pendant la bataille, me faisait l’effet d’un objet porte-bonheur ». Allégorie de l’enfance et de l’amour, de l’art lyrique nécessaire au-delà du tragique, d’une « leçon sociale et morale »… Hélas, que ce soit en poursuivant l’art dionysiaque dans Le Maître des illusions, ou le secret de la sérénité d’un chardonneret entravé, l’entreprise de Dona Tartt n’ouvre guère à l’optimisme. Quoique la fin soit assez heureuse et morale, le traumatisme originel ne laissera pas de toujours confiner le jeune adulte dans une amère liberté. Là où « la plupart des gens semblaient satisfaits du mince vernis décoratif et de l’éclairage de scène artistique qui, parfois, rendaient l’atrocité basique de la condition humaine plus mystérieuse ou moins odieuse », ne peut-on envisager une œuvre d’art réussie conjointement avec une vie réussie ?

« Maîtres des illusions » sont Hobbie et Théo lorsqu’ils fabriquent et vendent du vieux avec du neuf. C’est aussi ce que fit Donna Tartt avec son inaugural roman. Il y avait un « maître des faux semblants » parmi les personnages secondaires, un « mauvais peintre », « génie » ou « porc », au langage « composé d’obscénités […] et du « mot postmoderne ». Comme si tous ces anti-héros étaient abonnés aux techniques des faussaires, telles qu’elles sont le ressort du vaste roman de William Gaddis, Les Reconnaissances[1]. De même, les jeunes étudiants de Julian en grec ancien jouent à de faux sacrifices dionysiaques aux vraies conséquences tragiques.

 

 

Le Maître des illusions est un « college novel », truffé d’allusions à Platon et autres auteurs anciens. Sur un campus du Vermont, cinq jeunes gens se singularisent en étudiant le grec avec un maître charismatique et excentrique, Julian. Le narrateur, pauvre boursier venu d’une station-service de Californie, se joint à eux, fasciné : ils « connaissaient ce paysage magnifique et déchirant, mort depuis des siècles », et « le pur, inhumain, brutal, que connaissait les Grecs ». A l’orée d’un cours, Julien commence ainsi : « j’espère que nous sommes tous prêts à quitter le monde phénoménal pour entrer dans le sublime ». Mais, là encore, les beuveries sont le buvard de la vie. Arrogance et dandysme, culture d’élection et cultes secrets font de ce sextuor des marionnettes de leurs pulsions sauvages. Comme la belle Camilla, jumelle de Charles, le roman fait « jaillir un éventail de fantasmes presque infini, du grec, au gothique, du vulgaire au divin ». Car, de mystères en non-dits, malgré l’assiduité du quintette à étudier les hiéroglyphes ou traduire le Paradis perdu en latin, Richard parvient à recueillir la confession d’Henry : ils n’en sont pas resté à réfléchir sur l’équivalence de la beauté et de la terreur chez les Grecs, ils ont poussé la pratique du rituel dionysiaque dans une obscure forêt jusqu’au paroxysme, jusqu’à ce qu’un paysan meure la cervelle déchirée, sans qu’ils sachent vraiment comment… Car « Dionysos est le Maître des Illusions ».

L’effroi rétrospectif tiraille alors les protagonistes, d’autant que Bunny, sidéré, à moins d’être vexé de ne pas avoir été convié à la sauvage et « splendide » bacchanale, harcèle ses amis, suce l’argent d’Henry, et menace de tout révéler au sein du campus : « Nous étions tous conscient du flacon métaphorique de nitroglycérine que Bunny portait sur lui nuit et jour ». Faudra-t-il l’éliminer avant que la neige recouvre le corps ?

Le roman est alors « un oxymoron fatal », il ne peut ressembler au « pays de l’amnésie » quand l’université de Hampden est « un merveilleux bouillon de culture pour le mélodrame et les déformations de la vérité ». Les angoisses de Raskolnikov piétinent  alors le théâtre de l’action : « L’effet était très chic, à la fois antique et post-nucléaire, comme une cour pleine de cendres à Pompéi ». Non seulement la qualité évocatoire est toujours intacte chez Dona Tartt, mais son sens de la métaphore fait mouche ; non sans que ses judicieuses allusions à la culture antique et romanesque ressortissent de l’esthétique postmoderniste.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Reste que le questionnement moral vrille la dramaturgie parfaitement huilée, quoique souillée de cambouis. La hauteur cruelle de l’azur grec ne préserve pas du mal et du sens du péché. C’est en portant le cercueil de leur ex-ami, « tel le chœur des anciens dans une tragédie », que le flash-back de la scène du crime s’allume dans les consciences : « il était indéniable que le meurtre de Bunny avait transformé la suite des événements en une sorte de Technicolor éblouissant ». Difficile d’imaginer avoir élevé le crime au rang des beaux-arts, comme dans l’essai de Thomas de Quincey[2]. Y-aura-t-il pardon et catharsis pour les protagonistes, englués qu’ils sont dans le sordide bourgeois et estudiantin qui, non sans satire, fait contrepoint à l’aspiration au sublime, hélas pervertie ?

Héros apparemment brillants, qui semblent vouloir élever leur vie au niveau de l’œuvre d’art, tragédie nietzschéenne dionysiaque plutôt que chardonneret miniature,  élite à l’antique au-dessus de la tourbe du commun des mortels, le club des dionysiaques sombre peu à peu dans l’avalanche de l’alcoolisme et des comprimés de drogues. Comme d’ailleurs la plupart des protagonistes, comme si la foule entière des étudiants, sans compter leurs familles, ne savaient guère s’adonner à d’autres activités, faisant fi du développement économique et intellectuel des Etats-Unis. Après leurs crimes, la désunion, les rancœurs, les indignités suicidaires se liguent contre leur belle arrogance culturelle initiale pour délabrer les ambitions, au risque de décrédibiliser l’étude de la langue d’Homère. Mais s’ils ont choisi le culte héroïque et dévastateur de Dionysos, c’est au détriment de l’idéal apollinien, de la Grèce de Périclès et de Platon.

 La fin du Chardonneret se trouvant moins pessimiste que celle du Maître des illusions, peut-être faut-il y voir une capacité de se reconstruire, malgré le traumatisme originel… Les jeunes étudiants dionysiaques, eux, sauf le narrateur-observateur, sont nés avec une cuillère d’argent dans la bouche, ce qui tend à instiller l’idée selon laquelle si la richesse peut préjuger de l’esthétique, elle ne préjuge en rien de l’éthique de ses impétrants.

Indubitablement, Dona Tartt sait créer de la présence : ses personnages vivent sous les lèvres de notre lecture, s’élèvent dans toute leur identité physique et psychique au point de paraître une réalité de notre vision. Sa démarche, dans la tradition du réalisme européen, de Balzac à Thomas Mann, en passant par Tolstoï et Dostoïevski, sait ne pas se contenter de  l’être là, mais nous prend par le bras avec une persuasive amitié pour nous amener au tribunal de la conscience de ses personnages autant que de la nôtre. Peut-on, pourtant, n’écrire de grands romans qu’en disséquant l’échec, la descente aux enfers -ou au purgatoire pour le Théo du Chardonneret- de ses personnages ? Le romancier doit-il renvoyer au lecteur le miroir des anti-héros ou des modèles ?

Certes, on ne bouleversera pas avec Donna Tartt l’épopée du roman du XXI° siècle. On songe aux apprentis de Dickens, à la haute société d’Edith Wharton, à la vacuité alcoolique sous stupéfiants de Brett Easton Ellis, à qui notre auteure a d’ailleurs dédié son Maître des illusions. De plus, elle ne se prive pas de faire allusion aux crimes, châtiments et culpabilités de Dostoïevski. Ce qui n’a rien d’un collage stérile, mais d’une réécriture plus que fructueuse, d’une somme et « ligne de beauté », malgré les plus faibles séquences du Chardonneret, afférentes aux dérives adolescentes et au glauque polar autour de Boris. Peut-on également douter de l’utilité des prologues trop obligeamment fournis par l’auteure au seuil de chaque roman ? Mais autour de Théo, l’épaisseur romanesque est celle d’un héros, lui aussi attaché à sa chaînette, comme à son destin désastreux, échappant de justesse aux sordides tréfonds des esclaves de Dionysos dans Le Maître des illusions, lui néanmoins partiellement sauvé par l’art, du peintre autant que de l’écrivain.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[2]  Thomas de Quincey : De l’Assassinat considéré comme un des Beaux-arts, Œuvres, Pléiade, 2011.

 

Alcañiz, Teruel, Aragon. Photo : T. Guinhut.

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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 15:34

 

Emmaüs Saint-Michel-le-Cloucq, Vendée. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Siri Hustvedt essayiste et romancière :

 

Vivre, penser, regarder ;

 

Un Eté sans les hommes.

 

 

Siri Hustvedt : Vivre, penser, regarder,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christine Le Bœuf, Actes sud, 512 p, 24,80 €.

Siri Hustvedt : Un été sans les hommes,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christine Le Bœuf, Actes Sud, 224 p, 18 €.

 

 

 

 

      Comment tisser ensemble les fils de l'essai et la dimension autobiographique ? L’écrivaine américaine Siri Hustvedt a trouvé le sésame qui lui permet de réunir ses genres pourtant peu conciliables : c’est « l’essai subjectif ». De même, partant de textes écrits et publiés au hasard de journaux et de colloques, elle a su les agréger en un ensemble cohérent, qui plus est sous l’égide des sacro-saintes trois parties universitaires, quoique elle revendique sa liberté par rapport à ce milieu et à ses codes. Vivre, penser, regarder est le triptyque de l’entière réalisation personnelle, humaine et intellectuelle de l’américaine Sri Hustvedt, que l’on doit connaître moins que pour l’épouse de Paul Auster, que pour elle-même. De la neurobiologie à l’œuvre d’art, Vivre, penser, regarder est un parcours autobiographique et intellectuel, quand le roman Un été sans les hommes installe au centre d’une pléiade de personnages féminins, une poétesse perspicace et inspirée.

      Le lien entre nos vies mentales quotidiennes et les sciences neurologiques est un fil rouge qui parcourt avec constance ce recueil Vivre, penser, regarder. Ainsi les pages sur les migraines récurrentes de Siri (qu’elle n’aborde pas sur le versant de la plainte) sur l’insomnie, sur le rapport à son père, forment un tissu de « biographèmes » (pour reprendre le terme de Roland Barthes) et de notations scientifiques, philosophiques et littéraires érudites, sans lourdeur. Se dire et se connaître ne peut s’exonérer de la connaissance des travaux et des œuvres d’autrui : Chaucer, Nabokov ou Borges, par exemple sur cette « étrange zone intermédiaire entre veille et sommeil », mais aussi l’examen du cortex ou du thalamus…

      Le cas de Phinéas Gage est emblématique : cet homme reçut une barre de fer au travers du crâne et survécut. Mais en ayant perdu son empathie, ses affect, son équilibre, ses vertus : « Cette histoire m’a hantée par ce qu’elle suggérait d’affreux : la vie morale peut être réduite à un bout de chair cérébrale ». La personne est-elle alors plus biologique que culturelle ? De même, entre déterminisme et liberté, elle se demande : « A quel point sommes-nous prisonniers de notre sexe ? » Répondant alors : « Nous ne sommes pas les auteurs de nous-mêmes, ce qui ne veut pas dire que nous n’avons ni capacité d’action possible ni responsabilité, mais plutôt que le devenir ne peut s’émanciper du lien. »

      À la recherche de son « moi idéal », mais aussi de ses facettes et réalités, elle reste consciente de ce que « nous devenons aussi les créatures de notre culture ». Non sans s’interroger sur l’apport de la psychanalyse, elle note avec justesse « la rapidité à laquelle le lecteur de n’importe quel texte littéraire se met à ressembler à l’analyste, et le nombre de choses dont nous sommes souvent inconscients, nous autres auteurs de fiction, lorsque nous écrivons ».

       Son regard butine dans un large spectre : de Duccio à Louise Bourgeois, elle n’est pas qu’historienne d’art. Avec finesse, et modestie, elle confronte aux chefs-d’œuvre son expérience familiale de la photographie et de l’image, observant ces « neurones miroirs » qui interagissent avec la puissance du regardé. L’effroi de Goya rebondit parmi les artistes contemporains qui le relisent, le singent, choquent et fascinent leur public, cependant moins que le sens de la fureur et du sublime chez le peintre espagnol. C’est alors qu’elle tente de pactiser avec les émotions ressenties, en conscience « que les artistes sachent qu’ils ne maîtrisent pas leur œuvre. »

 

      La curiosité de Siri Hustvedt semble insatiable. On se souvient qu’essayiste, dans La Femme qui tremble, elle étudia les troubles neurologiques et le « gouffres qui hantent et configurent, dit-elle « l’histoire de mes nerfs », qu’elle dressa un Plaidoyer pour Eros. Romancière, avec Un Eté sans les hommes, elle narre l’abandon et la reconstruction d’une femme. Sans cesse à la recherche des mystères de la personnalité, elle sait une fois de plus « vivre, penser, regarder ». En sa langue accessible et élégante, elle nous entraîne avec bonheur dans cette mosaïque de micro-récits et de pensée réflexive qui dresse mieux que son autoportrait : le nôtre. La vocation d’écrivain de Sri Hustvedt ne se satisfait pas de raconter des histoires, si elles ne sont accompagnées d’une pensée sur leur nécessité…

      Il y a quelque chose de Desperate Housewives dans ce roman. Il est en effet question d’une femme qui, la quarantaine venue, voit partir son mari qui a besoin de faire une pause : « La Pause était française, elle avait des cheveux châtains plats mais brillants, des seins éloquents qui étaient authentiques »… Certes, si la narration s’arrêtait à une situation hélas si banale, sans les finesses d’une écriture là déjà sensibles, il ne mériterait guère d’en parler.

      La narratrice oscille d’abord entre l’examen de son moi et des rumeurs de folies qui la frôlent, lorsqu’une dépression, une hospitalisation, la séparent du monde, lorsqu’il ne lui reste plus que des « tessons de cerveau ». Ainsi, sans son Boris bientôt repentant, comme au cours d’une thérapie, elle va aborder « un été » exclusivement consacré à des présences féminines. La voilà alors au croisement de deux âges de la vie, entre l’amitié de vieilles veuves qu’elle appelle les « Cinq cygnes » et celle de sa mère. Décidé à faire un bilan de sa vie, dont un large pan vient de tomber, elle prend la décision de faire l’inventaire écrit de ses « Mémoires sexuels », depuis la première émotion, si ténue, jusqu’à celles plus matures, puis matrimoniales, et d’aller à la recherche de son « moi secret ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      C’est lorsque Mia, poète au plus profond d’elle-même, émergée de sa dépression, va se mettre à donner des cours de poésie à sept adolescentes, que le roman prend de son ampleur. Entre Abigail, l’une des « Cygnes », qui sait cacher sa « broderie érotique », entre sa correspondance avec « Mr personne », puis les premiers émois et petites rivalités « gothiques » de ses disciples, enfin son amitié avec Lola, jeune mère un peu dépassée par son couple sa progéniture, elle enrichit sans cesse sa personnalité et sa vision du monde.

      Un tel roman en forme de mise au point au carrefour d’une vie, grâce à l’introspection et au retour sur un passé personnel, a bien des atouts. Mais il devient fascinant lorsqu’il se penche sur l’écriture en acte, sur les mystères de la création poétique, citant Shakespeare ou Emily Dickinson, ou encore proposant les propres poèmes du personnage, fort beaux, limpides et imagés : « Multiplie-toi par les mots, Alice / Ton armée aérienne crache des sagaies, / Craque des syllabes, brise le verre, / Vomit la fureur vers le ciel. »

      Ainsi l’on ne trouvera ici aucune niaiserie, mais une éducation à la sensibilité, à la connaissance de la condition et de la création féminines, ainsi qu’une éthique d’écriture aussi prenante que solide, tout juste une légère satire des mœurs. Où le « critique américain » est comparé à un Dieu « totalement dénué d’humour et amateur de la médiocrité ». Où l’éloge de la création est si lyrique : « embrasser les plaisirs secrets de nos sublimations, l’arc d’une phrase, le baiser d’une rime ». Voilà un livre finalement polymorphe, entre roman et journal d’une crise, d’une reconquête, voire essai sur la différence et l’identité du féminin et du masculin. Malgré quelques minces pages d’intérêt inégal, presque inévitables dans un tel projet pluriel, le plaisir de lecture résonne…

      On a connu cet auteur, qui publia un beau Plaidoyer pour Eros, plus pâteux dans son style romanesque. Tout ce que j’aimais, par exemple, nous a laissé un souvenir de sûreté dans le détail psychologique, de qualités d’analyse infinies, mais dans la gangue d’un roman trop compact, trop touffu peut-être. A moins que nous l’ayons mal lu. Les esprits chagrins diraient à propos d’Un été sans les hommes qu’il s’agit d’un livre de femme, pour des lectrices. Que l’on balaie cette opinion sexiste ! La richesse sensible et conceptuelle de l’univers de son personnage et le simple raffinement de son écriture méritent que Siri Hustvedt soit considérée comme un écrivain, là où les douanes des genres sont balayées. Car entre Vivre, penser, regarder et Un été sans les hommes, de l’essai eu roman, de la neurobiologie à l’œuvre d’art, un parcours autobiographique, intellectuel et romanesque se dessine, celui d’une complète femme-artiste[1].

 

 

Thierry Guinhut

À partir d'articles publiés dans Le Matricule des Anges, février 2013

Une vie d'écriture et de photographie

 

Ars-en-Ré. Photo : T. Guinhut.

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20 mars 2013 3 20 /03 /mars /2013 14:06

 

Ostia antica, Latium. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Les inquiétudes sexuelles et amoureuses

 

de Jeffrey Eugenides :

 

de Middlesex au Roman du mariage.

 

 

Jeffrey Eugenides : Le Roman du mariage,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Olivier Deparis, L’Olivier, 560 p, 21 € .

 

Jeffrey Eugenides : Middlesex,

traduit par Marc Cholodenko, L’Olivier, 684 p, 21€.

 

 

 

 

       Après Gaddis, Pynchon, De Lillo et Franzen, voici un autre avatar du Grand Roman Américain, rite de passage pour tout écrivain digne de ce nom. L’auteur clinicien de Virgin suicides brosse, en Middlesex et Le Roman du mariage, deux généalogies américaines. La première, depuis une paysanne grecque et son frère fuyant Smyrne pour alimenter le melting-pot de l’immigration, en passant par des générations de commerçants, jusqu’à un hybride jeune homme, né fille. La seconde, plus ramassée, s’intéresse à la généalogie du sentiment amoureux, qu’il ait pour origine le roman victorien ou les étranges déterminismes de nos cerveaux…

          Ici, à Middlesex, quelque chose a grippé la machine de l’intégration sociale, culturelle et sexuelle, de cette épopée homérique à laquelle Eugenides emprunte des périodes parodiques. Est-ce l’inceste originel ? Ou la faute de ce moule américain qui ne voit que comme un problème -et doit donc trancher- ce cas d’hermaphrodisme. Seule devant le diktat médical, la jeune Calliope s’enfuit pour devenir l’adolescent Cal, muni d’un « crocus » affleurant d’un sexe apparemment féminin. Devant ce piège génétique et social, devant les marchands de pornographie qui veulent exploiter sa particularité sensuelle et piquante, Cal choisit sa liberté, en une belle réflexion morale sur la responsabilité.

         Ses « deux naissances » répondent aux deux parties du roman, d’abord pour les grands-parents et parents, puis l’histoire de Cal. Cette double réflexion sur l’identité dépasse la problématique du patriotisme métissé américain, pour s’ouvrir sur nos identités sexuelles et mentales et atteindre la belle universalité du roman de formation. Même si l’on peut rêver plus d’émotion dans l’écriture lorsque le narrateur affronte ceux qui veulent lui assigner une sexualité tronquée, puis lors de son errance qui ne le ramènera, en final, que devant le caveau familial…

           Pourtant, le conte réaliste de l’hermaphrodisme, bien que prodigieusement intéressant, curieux pour le moins, aurait mérité de savoir mieux toucher notre fibre sensible. C’est alors qu’avec Le Roman du mariage, Jeffrey Eugenides a su confier son empathie à ses personnages, et par voie de conséquence à nous lecteurs.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… C’est ainsi que le conte traçait un avenir de bonheur. On se doute que le roman du XXI° siècle sera bien plus dubitatif. Les chausse-trappes de la séduction et du couple prennent en effet chez l’Américain Eugenides, en sa théorie et critique romanesque de l’amour et du mariage, une tournure inquiète, en défaveur du « roman du mariage ».

         Dans le cadre du collège novel, ce genre romanesque typiquement anglo-américain, des étudiants d’université croisent leurs jeunes destinées. L’une, Madeleine, est passionnée par les romancières victoriennes, l’autre, Mitchell, étudie la théologie, enfin Leonard se veut biologiste. Ils se rencontrent lors de cours de littérature, découvrant alors les essayistes et philosophes français à la mode. Un étudiant témoigne d’un air docte et pince sans rire que la lecture de La Grammatologie de Derrida a « bouleversé sa vie ». Ce qui nous vaut une petite tranche de satire enlevée de la vogue de la « french theory », lorsque l’enseignement des Sciences humaines est soumis à la déferlante de la sémiologie et du structuralisme : « Ils voulaient que le livre, cet objet transcendantal, fruit de tant d’efforts, soit un texte, libre de toute attache, indéterminé, ouvert aux interprétations ». Pourtant, lors de ses déboires et larmes, Madeleine relit avec auto-apitoiement et mélancolique délectation les Fragments d’un discours amoureux, seul ouvrage qui, au-delà de l’ironie du narrateur, parait garder sa fraîcheur : « Elle pouvait lire Barthes déconstruisant l’amour à longueur de journée sans sentir la moindre atténuation de celui qu’elle portait à Leonard ». Le Roman du mariage sera remplacé par un « kit de survie de la petite célibataire », passablement coquin, mais guère exaltant…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

          Classiquement, nous sommes aux croisements d’un trio sentimental et sexuel. Séducteur, doué d’un charisme certain, Leonard est nanti d’une face sombre, comme un Docteur Jekyll et Mister Hyde (titre qu’aurait dû ne pas oublier Madeleine) lorsqu’il est balayé par des accès de dépression. C’est lui qu’elle aimera, quoique à ses dépens, quand Mitchell, l’étudiant doué d’un inattaquable sérieux, ne trouvera, pour alimenter sa passion, que l’ersatz de l’amitié. Et pendant que Leonard plongera dans l’enfer de l’hôpital psychiatrique et du « lithium » (ce qui nous vaut quelques pages encyclopédiques pour que le roman réaliste puisse faire concurrence au réel) c’est en un miroir inversé que Mitchell ira voyager en Europe et en Inde, jusqu’aux cotés de Mère Theresa et de ses mourants…

          On imagine sans peine que l’auteur de Virgin suicides et de Middlesex, cette épopée de l’hermaphrodisme contrarié, ne conduira guère les aspirations matrimoniales opposées de Madeleine et Mitchell au happy end postulé par leurs cœurs et leurs fantasmes. De même, l’éphémère mariage de la jeune femme avec Leonard sera la trop triviale éducation sentimentale contrariant sa passion intellectuelle pourtant intacte pour les romans de Jane Austen et de George Eliot. Etudier la question du mariage dans les récits anglais du XIX° ne protège visiblement pas des illusions et des inconvénients de la chose, « même si Madeleine se sentait en sécurité avec un roman du XIX° siècle », malgré toutes les qualités humaines de l’héroïne. En ce sens, le livre d’Eugenides navigue parmi deux plans complémentaires, romanesque d’une part et sociologie et psychiatrie d’autre part, dont l’un est la critique de l’autre, ce qui contribue à sa réussite, malgré quelques longueurs lors des épisodes « maniaco-dépressifs » de Leonard. Probablement la faille qui s’ouvre en son cerveau est-elle plus grave que celle pourtant plus visible de l’hermaphrodisme de Cal.

          Deux livres hybrides donc, tous deux sondant les failles de la sexualité et de l’amour. Le premier est grec et américain, femme et homme, saga sociale de Smyrne à Detroit et épopée d’un demi-siècle d’histoire où surgit un jeune être mythologique. Le second se fait chronique des amours estudiantines et de l’accession à la maturité des couples, des solitudes, en même temps que théorie et critique du roman, comme si l’essayiste distillait sans cesse son diagnostic dans le corps du récit. En ce sens la postmodernité assumée de Jeffrey Eugenides prend en écharpe les genres.

        Dressant un tableau tour à tour idyllique et grinçant des mœurs américaines, entrant alternativement dans les profondeurs des cerveaux de ses personnages, qu’ils s’agissent de leurs hormones, de leurs affects, de leurs cultures et de leurs  connexions neuronales, depuis Middlesex jusqu’au Roman du mariage, Eugenides fait montre d’une maîtrise indubitable des ressorts de la narration et de la psychologie, sans compter leur inscription dans un temps historique voire mythique. Entre péripéties renouvelées dignes de la tradition littéraire de grands réalistes du XIX°, de Flaubert à Tolstoï, et métalittérature, à la lisière de l’humour et du tragique, il figure en ses romans d’apprentissage les traits d’une génération tour à tour inquiète, enthousiaste et cependant trop vite désenchantée ; la nôtre peut-être…

 

Thierry Guinhut

La partie sur Le Roman du mariage est parue dans Le Matricule des Anges, janvier 2013

Une vie d'écriture et de photographie

 

Berghotel Titlis, Engelberg, Schweiz. Photo : T. Guinhut.

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9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 09:43

 

Vide-greniers de La Couarde-sur-mer, Île de Ré. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Margaux Fragoso, ou le tigre de la pédophilie.

 

Margaux Fragoso : Tigre, tigre, traduit de l’anglais (Etats-Unis)

par Marie Darrieussecq, 416 p, 21 €.

 

 

 

       Il manquait au génial roman de Nabokov, dominé par le point de vue du prédateur de nymphette, celui de Lolita, fillette complice et outragée. Margaux Fragaso, grâce à écriture radicalement différente, fait mieux que remplir ce rôle nécessaire et ingrat ; elle offre en son Tigre, tigre et à son lecteur inquiet le regard plein d’humanité de la victime sur son dominateur sexuel.

 

         En un récit résolument autobiographique, la romancière narre sa dépendance entre les mains d’un pédophile, de sept à vingt-deux ans. A l’écart de ses parents déglingués (l’une par les délires dépressifs, l’autre par l’alcool et la fureur) elle trouve refuge chez Peter, la cinquantaine, dont la maison regorge d’animaux, au point d’affirmer : « Peter est davantage mon père que lui ». Quand la mère est complice de cette amitié dont elle ne voit pas l’envers pervers, il est si tendre et attentif que l’affection passe peu à peu aux massages, caresses sexuelles et fellations, avec un art de la persuasion et de la manipulation impeccable, arguant que le sexe est beauté. Il lui voue un culte, dans le temple de sa chambre orné de ses photographies. Mieux, ils communiquent par des codes subtils, des fantasmes dont la lectrice précoce se fait l’écrivaine : elle devient « Nina » (« mon chef-d’œuvre en matière de femme ») puis une « personne-tigre », d’où le titre, qui est également n relation avec le poème du m^me nom de William Blake. S'agit-il de s'affirmer tigre devant le tigre pédophile? Maintes péripéties dramatiques, une séparation forcée, les soupçons, un désir d’enfant lorsqu’elle a dix-sept ans, les disputes, voire les coups, une fidélité presque à toute épreuve jalonnent ce roman de formation atypique, jusqu’à ce que le vieillissant Peter se jette d’une falaise…

          Elle est « abimée » par cette énigme : « c’était un homme matriochka, chaque secret était dans un ventre (…) un champ de maïs labyrinthique ». Peut-être bien plus par la folie apathique et hallucinée de la mère, par les scènes de violence autoritaire du père. La sexualité avec Peter est un traumatisme continu, quoique sans défloration. Mais n’a-t-il pas su, malgré sa perversion d’homme meurtri par ses pulsions irrésistibles (a-t-il violé un garçon, abusé d’autres filles ? nous ne le sauront jamais), créant un asile d’amitié entre adulte et enfant, donner un sens à la vie d’une fille que ses parents et son milieu souvent sordide ne lui accordaient pas... « Je l’aimais, pourtant, et je lui avais évité la prison », s’avoue-t-elle lorsque refuse de le dénoncer. C’est à la fois un amour fabuleux, pérenne, et une sexualité indue. Ainsi, la carrière du séducteur désaxé, qui fut, très jeune, violé par des stripteaseuses, devient un problème moral qu’il est difficile d’évacuer de façon péremptoire.

 

 

          Le miracle de ce récit troublant, pas un instant racoleur, est son absence de manichéisme, de par l’humanité accordée aux personnages, complexes, fragiles, dévorés, parmi lesquels la narratrice parait la plus forte. Indispensable témoignage, il s’élève au-delà par la noblesse de ton, la richesse métaphorique, l’aisance du déroulement et les nuances de l’analyse qui forcent le respect. Margaux ne pose pas en victime comme son statut aurait pu l’y inviter, ne nous assène pas un réquisitoire forcené à l’encontre du pédophile. Au contraire, elle tisse un réaliste tableau social au vitriol, des portraits effarants, attendrissants, jamais caricaturaux.

           Ainsi, y compris pendant cette expérience de quinze ans, c’est avec une étonnante maturité, malgré ses abîmes, ses replis sur soi et sur sa relation avec Peter, que la romancière autobiographique se domine et domine son sujet avec brio, sans pudeurs inutiles, sans vulgarités expéditives. A-t-elle pardonné ce qui n’était pas pardonnable ? Cette écriture qui conjugue finesse et richesse a certainement contribué à lui apporter une sérénité que nous avions devinée, sans qu’il fût besoin d’une postface, un truisme sur la nécessité de dénoncer la pédophilie. On sait également par les remerciements que nombre de relectures amicales ont contribué à sa réussite humaine et littéraire ; mais à Margaux Fragoso seule revient le mérite d’avoir mis en forme si vivante, intense, et pure de toute jérémiade, la vérité intime et édifiante de son histoire.

 

Thierry Guinhut

Article publié dans Le Matricule des Anges, octobre 2012

Une vie d'écriture et de photographie

 

William Blake : "Le tigre",

Les Chants d'expérience, 1793.

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1 novembre 2012 4 01 /11 /novembre /2012 12:09

 

Cathédrale Saint-Pierre, Poitiers, Vienne. Photo : T Guinhut.

 

 

 

 

 

John Gardner : La Symphonie des spectres,

 

un roman philosophique oublié.

 

 

John Gardner : La Symphonie des spectres,

traduit de l’anglais par Philippe Mikriammos, Denoël, 798 p, 29,50 €.

 

 

 

       Hors le choix du titre, il n’est pas impossible que l’éditeur ait raison : « Le chef-d’œuvre oublié de la littérature américaine », annonce-t-il. Qui aurait dû s’appeler, mieux que cette « symphonie » un peu kitsch qui semble présager un mauvais Stephen King, Les Spectres de Mickelsson, pour respecter le titre original anglais. Ainsi, nous aurions pu mieux présager de la richesse d’un personnage accablé par ses démons, dont les compétences philosophiques certaines ne parviennent pas toujours à le protéger contre la déliquescence morale…

        Qui sont les spectres de ce professeur de philosophie, naguère célèbre ? Sa maturité l’a gratifié d’un poste dans une université de second rang, du côté de la Pennsylvanie, alors que ses choix de philosophie morale paraissent un peu démodés face au relativisme ambiant. Sa femme Hellen, théâtreuse d’avant-garde sans public dont il est séparé, est inconséquente et dépensière, alors que ses deux enfants poursuivent au loin des études de français pour l’une et de photographie pour l’autre. Mis à mal par une excessive générosité envers son ex-épouse, le voilà cerné autant par les fonctionnaires des impôts qui lui réclament de lourds impayés que par le manque sexuel et amoureux. Que vient-il alors faire en cette galère lorsqu’il décide d’acheter une maison prétendument hantée dans les « Endless Montains » des Appalaches ?

        Malgré ce qui aurait pu être une histoire d’amour avec sa belle collègue de sociologie Jessica, hélas cernée par les marxistes, et qui sera peut-être pérenne, si l’on pense au réalisme magique de la scène finale, il s’enferre dans une liaison avec Donnie, une prostituée de dix-sept ans, qui deviendra un spectre de plus parmi sa déréliction : « Mickelsson avait l’impression que toute sa vie se résumait dans ce tourbillon intemporel d’un instant : sa catastrophe financière, ses amours maladives, son suicide par le tabac et l’alcool, son effondrement professionnel ». Dans sa maison qu’il s’ingénie à retaper magnifiquement, il voit passer les spectrales figures des anciens propriétaires : peut-être s’est-il « trouvé sur la longueur d’onde d’un morceau du passé »…

         Plus largement, d’autres spectres s’imposent à celui qui a pour ambition d’« écrire sur le monde, le faire passer à l’épreuve de la pensée logique » : cette industrie nucléaire contre quoi son fils milite, peut-être jusqu’au terrorisme, une décharge toxique dans les montagnes, les Mormons enfin, dont le fondateur John Smith aurait été un voisin, et qui font de sa maison une cible inquiétante : y aurait-on caché des documents compromettant la véracité autoproclamée de cette religion ?

          Spectres mentaux, spectres moraux, religieux et politiques, tout concourt à inscrire ce livre dans une dimension rarement atteinte par les romanciers. Y compris lorsqu’il confronte rationalisme et phénomènes paranormaux, ou plus exactement psychiques, ou encore lorsqu’il met en scène et analyse la culture contemporaine, parmi laquelle une pertinente critique musicale. Sans oublier qu’il s’interroge, à travers le personnage du Mormon tyrannique, sur les fondements de la foi et du pouvoir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         Faut-il s’identifier avec celui qui se qualifie ainsi : « Une fois de plus, il était le dadaïste suicidaire, le héros représentant et symbolisant sa nation (…) qui est sorti de son orbite et qui, à l’instar de sa civilisation, dérive vers la catastrophe absolue ». Avec celui qui commet un vol et un demi-crime à la Raskolnikov, qui entend le fantôme d’un étudiant suicidé au téléphone, qui sabote sa propre existence ? Ce qui nous permettrait au moins de sonder les abîmes d’un moi, de nous demander comment, à sa place, nous redresserions la barre : « Et s’il avait le courage de faire un petit pas pour mettre de l’ordre dans sa vie, pour réaffirmer sa dignité ? » Seul son combat contre le méchant tyran mormon caché parmi les professeurs lui assurera une légitimité.

        Les facettes nombreuses du personnage tourmenté, ses cours devant ses étudiants, parmi lesquels revient avec pertinence la pensée de Nietzsche, le monologue intérieur à la troisième personne, un lyrisme parfois intense, une pénétration psychologique à toute épreuve, tout cela contribue à l’épaisseur sans lourdeur du roman. Le romancier virtuose a su ajouter le suspense et les scènes d’action du thriller à ce roman en partie autobiographique : lui aussi fut poursuivi par un destin tragique, lui aussi s’est séparé d’une épouse qui lui voua une haine farouche, lui aussi enseigna, sans compter qu’il publia un essai, On moral fiction, dans lequel il s’attaquait à l’irresponsabilité éthique des auteurs américains contemporains, ce qui, on le devine, lui valut bien des inimitiés… Une satire de l’avant-garde, une charge contre la coterie professorale des marxistes, une argumentation d’étudiant sur « l’avortement à la demande » qui n’échappe pas à la question de la légitimité de la vie à naître, voilà qui a pu ne pas contribuer au succès de ce roman porteur d’une réelle exigence éthique, malgré le drame d’un anti-héros qui se sait n’être guère un modèle.

          A la lisière du « College novel’s », ce genre illustré par David Lodge, et du roman de mœurs et d’introspection, Les Spectres de Mickelsson, comme il faudra le nommer, méritent de frapper les mémoires, moins pour sa relecture de la tradition du gothique littéraire qui aimait convoquer les fantômes, que pour sa capacité à éveiller notre interrogation sur la conduite de nos destins. Si la connaissance de la philosophie morale ne contribue pas à diriger au mieux la vie de ce raté héroïque, faut-il pour autant  blâmer cette discipline intellectuelle et éthique ? Plutôt alors s’appuyer sur ce roman pour allier théorie et pratique, pensée et action. Il s’agit bien alors d’un roman philosophique, où liberté, contexte social, responsabilité et destin sont en conversation, pour notre plus grande réflexion et édification.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

Photo : T Guinhut.

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12 mai 2012 6 12 /05 /mai /2012 07:52

 

Monasterio de Villanova, Cangas de Onis, Asturias.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

William T. Vollmann,

 

écrivain monstrueux et ogresque :

 

La Famille royale,


Guerre et paix en Central Europe.


Le Grand partout, Les Fusils

 

& Les Dernières nouvelles.

 

 

 

 

 

William T.Vollmann : La Famille royale, traduit de l'anglais (États-Unis) par Claro,

Actes Sud, 2004, 944 p, 30 € ;


William T.Vollmann : Le Grand partout, traduit par Clément Baude,

Actes Sud, 256 p, 2011, 22 €.


William T. Vollmann : Les Fusils, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claro,

Le Cherche Midi, 2006, 416 p, 21 €.


William T. Vollmann : Central Europe, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claro,

Actes Sud, 2007, 928 p, 29,80 €.


William T.Vollmann : Décentrer la terre, traduit par Bernard Hoepffner et Catherine Goffaux,

Tristram, 2007, 320 p, 23 €.

 

William T. Vollmann : Dernières nouvelles et autres nouvelles,

traduit par Pierre Demarty, Actes Sud, 2021, 894 p, 28 €.

 

 

Dans le monstrueux : voilà le territoire où aime œuvrer l'Américain William T. Vollmann. Outre un monumental essai de 4000 pages sur la violence, inédit en français, son roman le plus remarqué, La Famille royale, faisait 940 grandes pages bien tassées. Ecrivant une épopée de la prostitution, La Famille royale, il dressait une fresque impressionnante des bas-fonds, de leurs horreurs et splendeurs méconnues. Devant une telle ambition, les esprits chagrins lui reprocheront sa propension à une ampleur pas toujours nécessaire, comme dans son omnivore Central Europe. Autre roman cette fois glacial, Les Fusils, quoique d’une taille plus supportable, n’échappera pas à ce reproche de longueurs parfois étirées… Mais force est de constater que le titanisme d'un tel écrivain ogresque, jusque dans ses nouvelles agitées de monstres, mérite le respect.

Car William T. Vollmann (né en 1959) fait Sept Rêves, « histoire symbolique du continent américain en sept volumes » dont quatre sont aujourd’hui publiés, parmi lesquels une Vraie histoire de Pocahontas et du Capitaine Smith, puis Les Fusils qui, quoique le sixième, est le seul à être soumis à la sagacité du lecteur français.

À travers deux explorateurs à un siècle et demi de distance, Vollmann écrit l’histoire du grand nord canadien au travers d’éprouvants voyages polaires. La dimension historique est certes ici présente, avec le récit de l’exploration du fameux « Passage du Nord-Ouest » entre glaces et îles du grand nord canadien par le capitaine sir John Franklin, qui, à partir de 1845, lui coûta la vie, avec tout son équipage. Comme vu de l’intérieur de l’expédition, c’est un roman dans le roman qui entretient une relation onirique avec l’odyssée de celui que l’on sent être l’alter ego de l’auteur. En effet, parallèlement, dans les dernières années du XX° siècle, Subzéro, « jumeau » du précédent, et dont le nom est bien sûr tout un programme, reparcourt ces territoires lacunaires et blancs, à la recherche de cette mémoire, et de celles des peuples épars sur ces terres arctiques. Comme son mentor, il rencontre Reepah, une amérindienne « au cœur magnifique » : s’unir à elle par amour, c’est pour lui s’unir totalement à ce territoire, à ses habitants.

 

 

À l’instar du peuple prostitué de La Famille royale, ce sont ici des populations délaissées, souvent méprisées, qui tentent de survivre, malgré la dégradation de leur milieu à cause du réchauffement climatique, de l’exploitation des ressources et de la contamination par le mode de vie occidental : « Les crêtes des toundras étaient transmuées par l’agencement miraculeux des bulldozers en buttes de terre, et les animaux devenaient de la viande. »  Vollmann, « s’interrogeant sur les qualités morales des fusils », voit en effet dans l’irruption des objets et des technologies la cause des évolutions, voire des bouleversements des cultures. C’est ainsi que les Inuits regardent les fusils « teindre la glace de sang ». L’auteur cependant a garde de ne pas accuser l’instrument de tous les maux, dans un monde où les déplacements de populations par le gouvernement canadien sont discutables, où il fait faim, dans un froid polaire, qui est aussi trop souvent celui du cœur. L’un des moments les plus impressionnants est peut-être le séjour solitaire dans une station abandonnée, par moins quarante. Le fusil ne peut rien contre le pouvoir de la glace…

Subzéro partant pour une quête du froid, une quête de soi et de l’autre, Vollmann a-t-il voulu écrire, quoique avec une modestie qu’on attendait peu de sa part, avec une langue sobre, des personnages pleins d’humilité, son Moby Dick  bardé de citations? Roman historique, encyclopédique et d’aventure, déploration d’une culture menacée, Les Fusils est tout cela à la fois. Les Inuits en voie d’acculturation n’échappent ni à la plume investigatrice, ni à la sensibilité de Vollmann qui écrit par fragments, comme pour marquer les étapes d’un journal de navigation ou de marche parmi la toundra. Il laisse ainsi respirer l’espace entre réalité et imaginaire, entre constat politique engagé et fiction. Sans compter les croquis, personnages, cartes et paysages, comme saisis sur le vif du froid, qui ajoutent au livre une dimension plastique et poétique bienvenue.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En deux livres complémentaires, William T. Vollmann extrait des bas-fonds de San Francisco et des Etats-Unis une matière humaine aussi sordide que lumineuse, qu’il s’agisse de l’inframonde de la prostitution ou de celui des hobos. Un récit en forme de reportage côtoie un vaste et ambitieux massif romanesque. Tout écrivain des États-Unis qui se respecte doit un jour écrire son Grand Roman Américain. Prendre en écharpe son continent, ses générations, lorsque Franzen radiographie une famille dans Les Corrections et dans Freedom, ou pour prendre des exemples plus encore convaincants : JR de Gaddis et Contre-jour de Pynchon... Comme dans son grand roman européen, Central Europe où il aborda l’Histoire par la face cachée de ces dirigeants, de ses artistes et poètes, dans le millier de pages de La Famille royale Vollmann pervertit le genre en dénonçant un modèle social et familial, puis en explorant un sous-royaume inquiétant, revanche, geôle et refuge de ce « club des perdants » qui s'échine à l'ombre de la brillante machine économique.

John, financier en phase de réussite, a une femme d'origine coréenne qui fascine et attendrit celui qui porte « la Marque de Caïn » : Tyler, « vieil enfant » et détective privé miteux. Ne convoite-t-il pas, mais avec la complicité romantique requise, l'Irène de son frère, malheureuse en ménage et pure, opposée aux milles putains parmi lesquelles il poursuit une enquête sordide. Sa dantesque descente aux égouts et enfers de San Francisco prendra une direction inattendue, lorsque le mystérieux suicide de son « ange », signant l'échec de l'immigration et de l'adaptation, l'aura laissé sur la rive froide de la vie. Bientôt amoureux d'Africa, la « Reine des Putes », il choisira de rallier la « famille royale » et sa « colonie d'insectes ».

Mais c'est par Brady, caricature infâme du capitalisme, que Tyler est payé. Ce commanditaire, brutal et raciste, monte à Las Vegas un marché aux filles « virtuel », le « Feminine circus », où elles sont achetées, baisées, parfois torturées, tuées, et pour lequel il convoite la « Reine des Putes ». « Tout le monde fait comme si ce n'était pas réel » fait remarquer Tyler. Les handicapées mentales, fort prisées, sont-elles de cet avis ? C'est ainsi que le mal irrigue les rapports humains, qu'une Reine violente et outragée remplace l'autre. Comment s'opposer aux sbires du Roi Dollar ? Quant à savoir, selon la citation de Sade placée en épigraphe, si « c'est la multitude de lois qui est la cause de cette multitude de crimes », cela reste très discutable... D’autant que le manichéisme de Vollmann peut paraître fort simpliste : riches pourris contre pauvres radieux rejetés dans les bas-fonds.

Ainsi, pitoyables, parfois affreuses, bourrées de crack et de cicatrices, violées et victimes d'avortements, les prostituées, ces « travailleuses buccales ou vaginales » pourtant capables de générosité d'âme, sont décrites avec lyrisme, avec une incroyable tendresse et humanité, dans le cadre d’une fresque baroque. Y compris le répugnant pédophile affilié à ce FBI auquel il apporte son concours pour piéger bien pire que lui. Quant aux « Vigs », ces membres des comités de vigilance, leur intransigeance morale n'est-elle pas pire, leur violence plus intimement affiliée à ce mal qui est en fait le partage de l'homme ? Tous sont en effet « sortis déjà corrompus de la matrice ». Irène même est-elle indemne de cette contamination par le syndrome de Caïn ? La déréliction emporte tout dans son flot : « il devrait y avoir un sens » ou une « histoire », mais l'on ne trouve « que des crottes de rat. »

 

 

Le substrat mythique, biblique, la narration du voyage labyrinthique de cercle en cercle parmi l'enfer américain, l'étourdissante profondeur et richesse stylistique font de La Famille royale un roman picaresque et de mœurs incontournable. Même agaçant souvent la patience du lecteur, les longueurs (Vollmann dut consentir une ponction sur ses droits d'auteur pour les maintenir) n'obèrent pas la fascination de qui s'engage dans le parcours initiatique, dans l'odyssée brisée d'un Tyler finalement ravalé au rang des « hobos », ces vagabonds faméliques des « errances ferroviaires ».

Ces hobos sont pourtant les héros du plus modeste récit qu’est Le Grand partout, rafraichissante épopée des simples et clochards, des amoureux de la vastitude américaine qui voyagent gratis en se cachant dans les trains de marchandises. Dans le cadre de ses voyages, Vollmann, qui agrège ici reportage, confession et descriptions paysagères lyriques, n’est guère ami de la légalité : la « resquille » est le pain quotidien d’un sport, d’une éthique et d’une liberté, en-dehors de ceux des « citoyens ».

Dans la tradition de Thoreau, London et Kerouac, auteurs fétiches qu’il rappelle abondamment, Vollman n’est pas loin d’écrire le « conte de fées » des vagabonds transcontinentaux : « il se peut que j’aie transformé une sale réalité en un monde légendaire ». Même s’ils font profession de « ne jamais rien voler d’autre qu’un voyage », l’auteur et son ami et complice, Steve, qui se font hobos le temps d’une évasion, d’un reportage, tout en conservant le confort de pouvoir rentrer chez soi en avion, ne sont pas loin d’idéaliser leurs discrets compères, pourtant non à l’abri de la délinquance et de la violence. C’est néanmoins avec la plus grande humanité que l’essayiste et narrateur se penche sur ces « hommes qui sont du côté abimé de la vie », qui bourlinguent parmi les marges ingrates des réussites et des déboires de l’immense économie américaine.

Une dimension mystique et métaphysique imprègne ce petit livre, avec des interrogations telles que le « Qui suis-je ? », ou les allusions au poème Montagne froide du chinois Han Shan[1]… Ainsi, entre gare de triages et voies aléatoires, de la Californie aux Rocheuses, en passant par les grandes plaines, il s’agit de partir, qu’importe la destination, vers « le territoire du N’importe Où », avec pour viatique la « Vénus Diesel », graffiti récurent parmi les wagons, fantasme dont la réalisation est « aussi rare qu’une licorne, plus précieuse que la pierre philosophale ».

Rien de gratuit chez Vollmann, aucune fausse sentimentalité, son réalisme sans fard est cependant traversé d'impossibles aspirations lumineuses, comme lorsque le détective de La Famille royale, poursuivant la fibre du mal, tel Ismael cherchant Moby Dick, monte dans la librairie City Lights pour un moment d'ingénieuse contemplation des livres et des toits... À la hauteur de Pynchon, autre grand fondateur de quêtes postmodernes, les monstruosités littéraires et les plus humbles chroniques, séductrices, édifiantes et cruelles, mais aussi compatissantes de Vollmann plongent tête baissée autant sous le versant glauque de la réussite américaine que dans l'intimité de la nature humaine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       Une fois de plus Vollmann est prolixe avec son Central Europe. Hamburger un peu lourd aux cent couches de viande et de pain, ce roman destiné aux appétits pantagruéliques est cependant l’un des aliments littéraires les plus roboratifs qui soient. Le massif alpin allait-il accoucher d’une demie souris ? En effet, proposer du même coup Hitler et Staline, les plus grands totalitarismes du vingtième siècle et de surcroît la question de l’art pouvait paraître risqué. Car au cœur des totalitarismes du XX° siècle, les caresses symphoniques et amoureuses se répondent autour du compositeur Chostakovitch.

       Central Europe est à la fois une histoire de la violence européenne et d’un parcours d’une des plus grandes aventures artistiques du siècle : celle du compositeur soviétique Dimitri Chostakovitch, mais aussi de ses femmes, de celles de Staline, de Fanny Kaplan, qui tenta d’assassiner Lénine, d’Akhmatova la poétesse… On rencontre également un cinéaste, Roman Karmen, qui filma la libération du camp de concentration de Majdanek, les généraux Vasslov et Paulus, tous chapeautés par le « somnambule » (Hitler) et le « réaliste » (Staline). Malgré le foisonnement d’acteurs et de figurants, cet immense opus est basé sur « l’équation morale entre le stalinisme et l’hitlérisme » et  sur « un triangle amoureux imaginaire » : la bisexuelle Elena, son mari Karmen et son amant Chostakovitch, ce « béni-oui-oui », qui est peut-être le personnage le plus fouillé. On devine que la fresque est agitée de main de maître par un grand orchestrateur : Vollmann lui-même, qui fait de Chostakovitch son double en proie à la nécessité de construire et conduire son œuvre parmi les écueils politiques et meurtriers du stalinisme, sans déchoir devant lui-même. C’est en quelque sorte ce perpétuel débat éthique entre l’art et la collaboration avec les puissances totalitaires, rouges ou brunes. Le « monde sous les touches du piano » contre le monde où les hommes sont broyés… Des symphonies à « la dimension épique et panoramique » peuvent-elles racheter l’Histoire ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Qui est le narrateur omniscient? Officier du régime stalinien, il est lui aussi sensible à la beauté d’Elena, qu’il a pourtant arrêtée. Ce digne espion communiste, ce  manipulateur et tueur expéditif, sans doute ni remord, n’ignore rien des individus, de leurs talents politiques, militaires, scientifiques et artistiques, y compris leurs amours, peurs et dissidences plus ou moins assumées. Mais il est de surcroît un officier allemand qui jette avec Heidegger les livres de Freud dans le brasier, puis assiste aux premiers vols à réaction préparant les V2. Cette bicéphalie, qui est une trouvaille, fait du narrateur doué d’ubiquité un monstre terrible et fascinant, comme une sorte d’entité secrète et partout répandue du totalitarisme.

       Rejetons nos appréhensions. On ne s’ennuie pas un instant dans cette immense polyphonie. Entre le choc des armes et des idéologies, les caresses des notes et des corps amoureux nous offrent les superbes pages lyriques que sont ces correspondances musicales et érotiques lorsqu’Elena est à l’origine de l’opus 40 de Chostakovitch.

       Outre un monumental essai de 4000 pages sur la violence[1], William T. Vollmann (né en 1959) continue la production de Sept Rêves, « histoire symbolique du continent américain en sept volumes », dont nous connaissons Les Fusils[2], sans compter les 940 pages de La Famille royale, deux beaux livres, quoique pas aussi continuellement passionnants que ce Central Europe… Touche à tout, il ne crée pas seulement un monde, mais un cosmos littéraire, atouur duquel gravitent les Others stories, pas encore traduites. On n’en aura pour preuve que sa contribution à l’histoire des sciences lorsqu’il produit son Décentrer la terre, sur « Copernic et les révolutions des sphères célestes ». On comprendra qu’il s’agit là d’un véritable démiurge littéraire, d’une encyclopédiste faustien en ordre de bataille romanesque qui a su écrire son Guerre et paix, dans lequel les temps de paix sont plus brefs et plus menacés que ceux de Tolstoï : ce sont ceux de l’art et de l’amour.

Les immenses proportions sont une marque de fabrique de William T. Vollmann. Huit volumes pour une Histoire de la violence en 4000 pages, un roman de 944 pages au service de La Famille royale, un autre légèrement plus ramassé, avec ses 928 pages : Central Europe. Les destins des déclassés et des continents y sont balayés avec une puissance redoutable. Nouvelliste torrentiel, William T. Vollmann glisse du réalisme à la déferlante du surnaturel. Ogresque toujours, malgré le format plus modeste de la nouvelle, il ne peut moins faire qu’offrir trente-trois d’entre elles, dont certaines feraient office pour des auteurs plus anorexiques de brefs romans.

Que l’on ne se décourage pas ; au contraire ! Mais à condition d’aimer frémir, d’adorer la peur et ses monstres effroyables. Car, en ce « mur de souffrance », tombes et fantômes sont les motifs récurrents et les accélérateurs de fictions fantastiques. Pourtant les premières nouvelles restent assez platement réalistes, comme la mort de deux amants sur un pont de Sarajevo et des personnages « à l’affut des obus ». L’on glisse vers le roman historique avec « Le trésor de Jovo Cirtovich », commerçant et navigateur de Trieste au XVIII° siècle. Bientôt l’interrogation fantastique vient hanter un enfant « haïsseur de madones » : ce dernier lui ayant jeté une brique l’a fait pleurer du sang, aussi l’homme qu’il est devenu la craint toujours, lui doit, en fonction de son comportement, sa guérison ou son mal. À Trieste encore,  où apparait la peintre Léonor Fini, où les statues bondissent de leur bloc de marbre, y compris celle de James Joyce, Rosseti rencontre une « Déesse chatte ». Le monde du réel est de plus en plus subverti par l’irruption du surnaturel. Ainsi le nouvelliste observe une progression calculée, non seulement thématique mais dans la beauté stylistique.

Les choses empirent avec « Le Fantôme des Tranchées » qui ambitionne de « devenir général », en un conte guerrier, morbide et baroque, entre archéologie romaine et « conquête du mal » ! Plus loin, une « Epouse fidèle » connut la boue du sépulcre, cette « salle de torture ou tuer les morts ». Or la « défunte et sensuelle » vampiresse que « la tombe a vomie », continue à rendre son mari fort amoureux, quoique bien vite aux prises avec l’Inquisition. En réchapper, fuir, une boite funèbre pour bagage, permettent au couple nocturne de prospérer à Trieste : elle confectionnant des robes divines, lui la protégeant du monde et du jour qui risquent de la pourrir…

Le goût amer des amours maléfiques parcourt le monde, y compris au Mexique, entre fantôme de la Malinche et « main de squelette », jusqu’en Norvège, où s’agitent les « trollesses, dévoreuses de cadavres à la pelisse de boue ». Morbidité et sorcellerie sont en effet universelles. Au Japon, d’où viennent les « esprits-renards », le « fantôme du cerisier » fait affreusement merveille. Le superbe et élégiaque « fantôme photographique » laisse le lecteur perplexe face à la disparition d’appareils obsolètes et de leurs pellicules : un spectre les ranime afin que les êtres soient « sauvés pour l’éternité », malgré l’emprise de démons jumeaux. Ailleurs l’on succombe au « Banquet de la mort », en imaginant de condamner cette dernière à disparaître pour toujours.

L’exercice de style, renouvelant les thématiques et les géographies du fantastique, est brillant. La prose du nouvelliste sait rendre suaves les créatures maladives et répugnantes, brûlantes d’érotisme celles qui fricotent avec un au-delà morbide. Dans la tradition du roman gothique et du romantisme noir, qui va du Moine de Lewis, en passant par Frankenstein de Mary Shelley, les contes d’Edgar Poe et de Lovecraft, jusqu’aux terreurs de Stephen King, William T. Vollmann, qui prétend à son acmé littéraire publier ici son « dernier livre », fait ses gammes avec un sens affuté de l’horreur succulente.

Thierry Guinhut

À partir d'articles publiés dans Le Matricule des Anges,

novembre-décembre 2007 et mars 2021

Une vie d'écriture et de photographie


[1] Han Shan : Montagne froide, Fourbis, 1996.

[2] Voir : Wolfgang Sofsky et William T. Vollmann : les livres des violences

[3] Le Cherche midi, 2006.

 

Villar de Maya, Soria. Photo : T. Guinhut.

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4 mai 2012 5 04 /05 /mai /2012 13:30

 

Forêt de la Neste du Louron, Hautes Pyrénées. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Thomas Pynchon :

 

Vineland, une utopie postmoderne.

 

Thomas Pynchon : Vineland, traduit de l’anglais (Etats-Unis)

par Michel Doury, Seuil, 1991, 408 p, 139 F ; Points, 8,10 €.

 

 

 

      Vinland, que les Viking découvrirent à la place de l’actuelle Amérique, fut une contrée semi-mythique, au paradis vineux prometteur. Avec Vineland, Thomas Pynchon figure une sorte de Californie à la fois originelle et contemporaine, un éden naturel aux paradis artificiels où les habitants vivent de liberté, de drogues et de rock and roll, pourtant menacés, où fuse le souffle de l’ange exterminateur fasciste. Même si Vineland passe, et avec raison, pour l’un des romans les moins touffus de Pynchon, à l'encontre de L’Arc-en-ciel de la gravité[1] ou de Contre-jour[2], il ne faut pas mésestimer sa chronographie des années soixante, sa qualité de récit d’aventure et d’utopie. Parmi ses romans les plus accessibles, c’est dans Vineland que Pynchon a mis une fois de plus en scène un éternel archétype, la lutte entre le bien et le mal, quoique avec une incontestable ironie caractéristique du postmodernisme.

       A travers la quête de la  jeune Prairie, ce sont toutes les années soixante, qui, en une immense analepse, reviennent à la mémoire. Sa mère, Frenesi Gates, activiste gauchiste charismatique, l’a abandonnée à son père Zoïd Wheeler, fumeur d’herbe gentiment allumé, pour se lier avec le fascinant Brock Vond, qui devient cependant procureur fédéral fascisant. Il réapparait en 1984, dans le but de retrouver son obsédante Frenesi perdue, de poursuivre Zoïd et Prairie. Cette dernière, croisant les personnalités étranges de Darryl Louise, ninjette entreprenante et cependant manipulée, et de Takeshi, ajusteur karmique, parviendra à « remonter le temps » (p 280) grâce à son enquête et à prendre connaissance d’un passé tissé d’autant d’idéaux que de trahisons…

        En ce sens cette chronographie permet à la fois de proposer un tissu assez réaliste des sixties, en même temps qu’une uchronie, un temps caché parmi les plis d’une contrée imaginaire, qui n’existe que dans le fantasme des libres consommateurs de joints et d’acide, et des batteurs de rock : « les douces années 60, une époque qui allait moins vite, prédigitale, pas encore hachée menue, pas même par la télévision » (p 44). Ce sont vingt-cinq années de « République populaire du Rock and Roll » (p 222), de contestation estudiantine, mais aussi « un Etat marxiste en miniature » (p 226). Ainsi la volte-face de Frenesi entre ces deux entités, entre Zoïd, l’éternel ado déjanté, et Brock, bras armé de l’oppression par le pouvoir fédéral, peut être lue comme une allégorie de l’Amérique.

       Publié en 1990, situé en 1984, au moment de l’élection de Reagan, le roman se veut une charge politique, un apologue dirigé contre le fascisme : « la répression nixonienne » (p 78)… Que l’on ne craigne pas l’hyperbole insultante, si l’on s’engage dans cette voie… Certes, défendre les libertés individuelles, y compris des joyeux agités du bocal et consommateurs compulsifs d’herbe vinelandaise, mérite les éloges du lecteur de Pynchon. Fustiger le conservatisme moral républicain, également. Mais ce serait trop facilement glisser dans un manichéisme fatal pour la crédibilité romanesque que d’accorder trop de crédit au sérieux imperturbable de Pynchon. L’ironie postmoderne, la subversion des codes et des clichés permettent à l’exercice de ne pas sombrer dans le roman à thèse lourd et discutable.

 

 

        Nombreux, parmi les personnages favoris de Pynchon, sont, comme Zoïd qui vit d’une aide sociale soudain remise en cause, les déclassés, les opprimés, les délaissés. Il a pour eux une réelle tendresse, prenant fait et cause pour leurs déboires, leur condition misérable. Les « humiliés et offensés », pour reprendre le titre de Dostoïevski, les révoltés de l’injustice, sont ceux pour qui Pynchon a le plus d’empathie, qu’il s’agisse des victimes des massacres coloniaux dans L’Arc-en-ciel de la gravité, des junkies, ou des pauvres mineurs exploités jusqu’à l’os dans Contre-jour, des beatniks et autres doux rêveurs de Vineland.

         En contrepartie, il exècre les puissants, et surtout ceux qui abusent de leur puissance jusqu’à la tyrannie. Ainsi de l’infâme et paranoïaque Brock Vond qui voit partout des communistes, des drogués, des pédés, qui « avait à l’époque son propre tribunal », qui tombait « sur les pacifistes, les étudiants extrémistes » (p 110).

       Le monstre anti-utopique poursuit sans pitié les amateurs de marijuana dans une sorte de Californie mythique qui a quelque chose de l’île d’utopie, mais une utopie où le ver de la répression empêche les fumeurs échevelés de danser et triper en rond, une utopie presque mystique : « Frenesi rêvait d’une mystérieuse fraternité entre les gens, réunis dans une illumination qu’elle avait déjà éprouvée dans la rue une fois ou deux, une sorte d’explosion hors du temps, où tous les chemins, ceux des humains comme ceux des projectiles, devenaient signifiants, tout le monde réuni en une seule présence… » (p 127). On sait pourtant combien de risques fait courir cette utopie collectiviste aux libertés individuelles… La républiques des gentils et des activistes libertaires serait-elle à l’abri d’une telle dérive ?

       Trop souvent, la question morale, qui plus est en littérature, fait hurler ceux qui ont pour préjugé de la récuser comme obligatoirement calotine ou fascisante. Cependant, sans vouloir en aucun cas imposer un quelconque dogme moral au roman, il n’est pas inutile de s’interroger sur les valeurs propulsées par l’écrivain et par ses personnages (ce qui n’est pas forcément la même chose). On peut ainsi problématiser l’éthique de Pynchon : se demander dans quelle mesure il ne donne pas dans le manichéisme anticapitaliste, voire pointer son rapport trouble aux théories du complot, son anti nixonisme primaire, malgré sa défense de la liberté constitutionnelle américaine. L’anti-américanisme empêche parfois de porter un jugement qui irait au-delà de la fonction dénonciatrice de Vineland à travers l’affreux, sinon caricatural et théâtral, avec ce qu’il faut de jubilatoire, personnage fascisant de Brock Vond, Procureur fédéral, obsédé sexuel et traqueur forcené de « rouges » et de gauchistes. Pynchon opposerait alors avec naïveté les libertaires abonnés aux grands espaces et à la marijuana d’une part et la rigueur hallucinée de la loi venue d’un Nixon d’autre part, qui pourtant est restée dans le cadre de la constitution américaine (si l'on excepte l'afaire du Watergate). Mais le fait que Prairie ait failli être la fille de Brock Vond, et pas seulement du couple improbable formé par Zoyd, le hippie déjanté, et de Frenesi, icône de la contre-culture embauchée par la mafia pour assassiner grâce à une technique ninja l’ignoble à qui le gouvernement coupera finalement les crédits, permet de ne pas trop prendre l’affaire au sérieux. Si l’on se rappelle que les personnages ne regardent peut-être que leur propre film et que la contrée « sacrée et magique » (p 199) de Vineland est un espace mythographique caché parmi les possibles de la Californie, on assiste en fait à une pantomime réglée d’avance où les adversaires se battent à coups de clichés. Pynchon n’est pas ici sans pratiquer l’ironie envers une lecture trop manichéenne qui opposerait les délicieux hippies un peu shootés et les fascistes descendus directement en hélicoptère de la Maison blanche. L’épopée tragique tourne à la comédie, sinon au film à grand spectacle avec show chanté, comme à la fin de L’Arc-en-ciel de la gravité. Si les complots contre l’Amérique et ses libertés (pour faire allusion à cette autre uchronie de Philip Roth[3]), sans compter le lot de paranoïa qui leur est associé, dominent l’univers de Pynchon, c’est non sans auto-ironie qu’il les met en scène, dans un ballet où l’esthétique prend le pas sur une éthique qui aurait été trop prise au sérieux, qu’il s’agisse de celle des puritains ou de celle des libertaires de la contre-culture des années soixante. En quoi Zoyd, l’addict à la marijuana et aux services sociaux de l’Oncle Sam, est-il un modèle pour l’Amérique ? Tout autant que Brock Vond, n’utilise-t-il pas la prébende de l’état et, qui plus est, de manière aussi indue ?

 

       L’univers et les personnages de Pynchon tendent vers une utopie, comme le rêve Frenesi : « Voilà enfin mon Woodstock, mon Age d’or du rock and roll, mon Voyage, ma Révolution » (p 79). Vineland, comme le vin de Baudelaire qui, comme l’on sait est autant le jus de la treille que l’opium ou le haschich, est une utopie artificielle shootée à l’herbe et à l’acide. L’addiction de Brock Vond au sexe ne vaut guère mieux. A la mollesse improductive des drogués, à leur vigueur activiste, répond la violence obsessionnelle du censeur qui porte indument l’épée de justice. Pynchon n’est pas dupe de l’utopie. Mais il aime toujours autant en rêver, au point que le show de l’excipit de Contre-jour culmine en franchissant tous les espaces planétaires et conceptuels, lorsque le vaisseau « Désagrément » incorpore la « puissance motrice » de la lumière pour que les  « Casse-Cou » « volent vers la grâce ». Grâce pourtant sans Dieu, même si le vocabulaire parait le frôler… Quelle est la justification éthique de cette grâce sinon celle esthétique de la littérature romanesque emportée par l’élan de Pynchon ?

       Cela dit, il ne faudrait pas que l’indignation morale trompe le lecteur. Les paumés et drogués de Vineland ne font de mal à personne, sauf peut-être en ponctionnant l’aide sociale… Ce pourquoi mieux vaudrait légaliser entièrement la consommation, le commerce et la production du cannabis, histoire de pallier les méfaits d’une seconde prohibition aux résultats contraires aux attentes. Nombre de libéraux américains, sinon de néo-conservateurs, imaginent d’aller dans cette voie. Non pour affirmer l’innocuité de ce qui reste une réelle drogue, mais pour constater l’échec et le gaspillage d’argent public de cette répression. On n’aura pour preuve que le projet de Schwarzaneger, gouverneur républicain de Californie qui envisage de contribuer par ce moyen à renflouer le budget de l’état en péril. Nul doute que les romans de Pynchon, de Vinland à Inherant Vice[4], même s’ils ne touchent qu’une élite, aient pu contribuer à l’évolution des mentalités.

       C’est ainsi qu’apparaît de roman en roman une sorte de dichotomie entre, d’une part, les utopies, de Vineland aux contrées repoussées par la ligne Mason & Dixon[5] et postulées par V[6], et d’autre part les irruptions catastrophiques du mal (traces peut-être du roman gothique), du Brok Vond séide de Nixon aux V2 et à la coda nazie dans L’Arc-en-ciel de la gravité, en passant par les espions et les êtres interlopes de V, les criminels et commanditaires de crimes dans Contre-jour. Mais tout cela finit par confluer voire se brouiller. Ils sont tous plus ou moins agents doubles, vrais ou faux, dans le cadre de ces théories du complot qui fascinent la dimension paranoïde de l’écrivain…

       Quant aux personnages de Takeshi et de Darryl Louise, auréolés de karma et de gadgets d’agents spéciaux, comme surgis de la culture manga, ou des « Thanatoïdes », mi-morts, mi-vivants, comme sortis des comics et du fantastique morbide, ils accentuent l’effet parodique, décrédibilisant à la fois le paradis de la contre-culture et l’autorité de la répression morale. Le happy-end de la réconciliation générale mi-figue mi-raisin, passablement psychédélique, de la fin de la répression décrétée par Reagan, de l’envol de Brock Vond vers son hélicoptère, contribue à cette impression de jeu littéraire à la fois grave par ses enjeux et léger comme une comédie cinématographique à grand spectacle, en son ironie anti-hollywoodienne.

 

 

        Les livres de Pynchon sont également des romans de quête, en particulier V, dont le titre, est aussi l’initiale de Vineland. Cette quête d’une terre promise et d’un passé mythique à réinventer pour l’initiation affective et intellectuelle de la jeune Prairie, reste ouverte entre plusieurs portes interprétatives. S’agit-il dans V d’une femme (Victoria ? Veronica ?) ou d’une contrée mythique (Vheissu ?). Dans Mason & Dixon, la quête est celle de la frontière géographique entre mythes et connaissances scientifiques. Dans La Vente à la criée du lot 49[7], il s’agit de la quête d’un héritage et de la connaissance d’un pouvoir de l’ombre. Dans L’Arc-en-ciel de la gravité, on peut lire celle de la gravité du mystère qui attire l’humanité vers la guerre. Voire d’une quête de la vision parfaite des contradictions dépassées par la fiction dans Contre-jour… D’où ce perpétuel monde flottant entre réalités cruelles, sordides et ironiques, et les utopies fabuleuses, qu’elles soient scientifiques, érotiques, intimes, idéelles, judiciaires ou territoriales. Plus qu’une narration ordonnée et dominatrice, on assiste chez Pynchon à une sorte de show permanent et polymorphe, entropique et fantasmatique qui est la marque de fabrique de son esthétique. La parodie de la nostalgie des sixties, des épopées manichéennes, le jeu semi-psychédélique permet alors à Pynchon un devenir éthique de l’esthétique, au sens où l’au-delà de l’art postmoderne est plus esthétique qu’éthique.

     Sûrement s’agit-il en Vinland du roman le plus lyrique de Pynchon. Comme lorsque le procureur Brock Vond fantasme en se mêlant aux beatniks : «  il espérait un éclairage suffisamment favorable pour dénicher une fille sur qui projeter le fantôme de Frenesi, quelqu’un qui lui tendrait une fleur, lui offrirait un joint -terrible !- et accepterait d’être conduite ici, jusqu’à son divan taché de foutre, et… » (p 293). Pendant que la chère Frenesi rêve encore comme une midinette de roman rose à la renaissance de leur liaison adolescente : « Mais, s’il restait encore quelque chose en quoi on pût croire, elle devait avoir cru que l’amour, produit clair et léger des années soixante, serait capable de racheter même Brock, ce Brock fasciste aimablement et stupidement brutal » (p 230).  Ainsi travaillé par l’apparente simplicité et néanmoins la richesse de son écriture, un roman est une œuvre d’art ; et Pynchon en est plus que conscient, quoique avec une certaine autodérision. Comme lorsque Frenesi, son double peut-être, médite sur son « rêve insensé d’offrir son sacrifice sur l’autel de l’Art avec en plus l’idée idiote que l’Art en était conscient » (p 365)…

       Utopie, uchronie, parodie, Vineland est bien un brillant sommet du roman postmoderne, sautant allègrement par-dessus les limites des genres romanesques : quête sentimentale, enquête policière, satire politique, manga ludique et surtout envolée lyrique, voisinent autant pour notre perplexité que notre bonheur. Même le combat politique est à ne pas trop prendre au sérieux. Comme le révèle Vineland, la dichotomie entre les opprimés et les oppresseurs est vaine. Infiltrés, voire complices, ils jouent un jeu de dupes peut-être nécessaire pour préserver leurs mythologies respectives. Le mirage anarchiste s’efface alors chez Pynchon ; sauf peut-être dans le miracle cacophonique qu’est l’immense Contre-jour  où les « Casse-cou », gardiens d’une utopie -ou une imagerie- du bien supérieur et des libertés évoluent vers « la grâce ». Cette grâce, certainement, la seule possible pour Pynchon, est celle des immenses pouvoirs du roman par un parodiste de haute volée, un écrivain de lyriques et lumineux comics postmodernes. Certes, ses romans, et plus précisément Vineland, répondent bien à cette définition de Takeshi : « faire de sa vie à lui un koan, c’est-à-dire un de ces puzzles zen insolubles, susceptibles de l’expédier sans heurt dans la transcendance » (p 192).

 

Thierry Guinhut

Thierry Guinhut: une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Seuil, 1988.

[3] Philip Roth : Le Complot contre l’Amérique, Gallimard, 2006.

[5] Seuil, 2001.

[6] Seuil, 1985.

[7] Seuil, 1987.

 

Book covers, Artwork with permission of Gleb Simonov : http://kolovorot.com/work/pynchon.php

pynchon-V.jpgpynchon-gravity.jpg

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6 mars 2012 2 06 /03 /mars /2012 16:31

 

Bois de Payolle, Campan, Hautes-Pyrénées. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Les fantômes de David Mitchell :

 

Ecrits fantômes, Mille automnes, Slade House.

 

 

 

David Mitchell : Écrits fantômes, L'Olivier, 2004, 542 pages, 21 € ;

Le Fond des forêts, L’Olivier, 2009, 480 p, 23 €.

 

David Mitchell : Les Mille automnes de Jacob de Zoet, 2012, 704 p, 24 € ;

traduits de l’anglais par Manuel Berri.

 

David Mitchell : Slade House,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Manuel Berri, L’Olivier, 272 p, 22 €.

 

 

 

       Quel étrange et polymorphe écrivain ! A chaque publication, il change de monde, d'esprit, en une sorte de métempsychose, de renaissance romanesque... Il nous apparut d’abord comme un fantôme, ou cartographiant des univers, puis sortant du fond des forêts, chassant mille automnes japonais ; enfin explorant les abîmes de Slade House.

         Recueil de nouvelles ou roman ? Émiettant une dizaine de récits apparemment indépendants, et néanmoins palpitants, qu'un lecteur fureteur peut aborder au gré du hasard, David Mitchell vient nous piéger en ses fantômes. Distraitement, il abandonne des bouts de fils épars, des échos inattendus, des liens qui tressent un étrange et incertain réseau. Ce livre fascinant, à tous égards mystérieux, collationne une dizaine de pièces à conviction, chacune prise en charge par des narrateurs à la première personne, forts crédibles et tous différents, sauf le premier et le dernier, tous deux venus d'un « Pur » affilié à une secte apocalyptique. Il y aurait une raison à l'œuvre, un esprit peut-être, dans ces Écrits fantômes...

        Quel fantôme erre dans ce livre ? Celui de la raison littéraire ? De l'inconscient de l'écrivain ? Du dieu qui donnerait sens au livre et à l'univers ? Du lien holistique qui unirait les récits dispersés sur le globe et le réseau mondial afin d'en dévoiler l'entière destinée et nécessité ? À première lecture, il n'y a de fantomatique que l'état des personnages qui rêvent leur vie, fantasmant le « Nouvel Ordre » des « Purs », une vie conjugale idéale dans un chalet suisse jamais atteint, ou la consacrent à une jeune fille, une hutte à thé, un gourou meurtrier. Nous étions dans l'île d'Okinawa, fuyant le métro de Tokyo où le délire d'un illuminé déposa ce gaz mortel qui raya du monde quelques « impurs ». Nous rêvions d'une histoire d'amour adolescent et de jazz à Tokyo. Nous sommes à Hong Kong parmi les angoisses d'un avocat de la finance qui tous les jours détourne les lois. Nous montons les marches de « la montagne sacrée » où défilent les témoins et les acteurs de l'Histoire chinoise, du maoïsme, de la Révolution culturelle et de ses horreurs. Quand sur les steppes de la Mongolie, un esprit pratique la « transmigration » d'homme en femme, de Russe en enfant... Plus loin, à Saint-Pétersbourg, notre russe mafioso rencontre, au milieu d'un tragique trafic de tableaux de musée, l'écho des malversations financières de l'avocat dont l'ex-femme, à Londres, croise par hasard, croit-on la destinée d'un Don Juan amoureux. Plus loin encore, sur une île irlandaise, une femme tente, toutes peines perdues, de fuir les sbires d'une firme américaine qui a vu les bénéfices que l'industrie de l'armement pouvait tirer d'une spécialiste de la « cognition quantique ». Enfin, sur Night Train FM, aux États-Unis, le radionoctambule Bat Secundo, fait parler un gardien de zoo qui déborde de visions prophétiques et croit, à vue de satellite, déchiffrer un complot nucléaire, incroyable zombie qui met cependant la puce à l'oreille au FBI...

 

 

         Les genres se bousculent : polar, métaphysique, biographie, dialogue radiodiffusé... Même si la narration se fait parfois fantomatique, le lecteur ne peut s'empêcher, amusé, interpellé, commotionné, de s'engager dans un jeu de pistes, un puzzle aux archipels manquants, où traquer les détails récurrents, les allusions, les réseaux lexicaux, les personnages reparaissants ; comme dans La Comédie humaine de Balzac... « De notre point de vue de mortel, c'est le hasard. Mais si l'on porte un regard extérieur, comme à la lecture d'un livre, alors c'est bien la fatalité qui, de bout en bout, dirige notre existence. » La somme complexe des causes et conséquences permet-elle le libre-arbitre ? « Nous croyons tous contrôler notre existence, mais celle-ci n'est que l'œuvre des nègres du destin ». L'auteur, nègre d'une totalité impossible, a pour métaphore cet esprit qui « transmigre » dans les personnages visités, et dénonce les complots visant à décimer l'humanité.

        Traquant les défis planétaires, David Mitchell invente un troublant jeu de pistes narratif qui brouille les destinées individuelles. Œuvre ouverte, au sens d'Umberto Eco, ce roman polymorphe et postmoderne, infiniment séduisant, suscite une réflexion jamais close, à moins que tout ce galimatias pseudo-scientifique ne soit qu'un miroir aux alouettes pour gogos adonnés aux fantasmes de complots et autres fumées spiritualistes. Ce serait là moins un portrait du monde tel qu’il est, qu’une figure de notre irrationnel esprit…

 

     Nous avions cru, avec David Mitchell, nous habituer à des romans aux structures conceptuelles inhabituelles. Ecrits fantômes télescopait des récits par une distribution géographique, alors que Cartographie des nuages distribuait les temps historiques et biographiques jusqu’à l’horizon de la science-fiction. Il est, dans Le Fond des forêts, nettement plus traditionnel et réaliste. Au risque de proposer le roman autobiographique obligé de l’enfance s’ouvrant à l’adolescence.

          Mais il n’est pas facile d’être incompris. Par ses parents et, pire encore, par ses camarades qui ne jurent que par de stupides valeurs viriles. Le chemin à frayer est jonché d’embûches par les « barbares poilus » parmi lesquels il aimerait s’intégrer. Mais il faut cacher qu’il aime les livres et écrit des poèmes primés sous le pseudonyme d’Eliot Bolivar. Il sera traité de « pédoque » comme tous ceux qui lisent ou aiment Bach. Pire, notre Jason est affligé de « bégaiement tonique » et peut-être d’un « cancer de la personnalité ». Tel un chasseur de société primitive, il fera tout un parcours du combattant à la lisière de la délinquance pour faire partie du groupe. Hélas, il n’échappera pas aux humiliations en série, sauf au « fond des forêts ». Le voilà bientôt côtoyant l’Histoire de l’Angleterre, lorsqu’un ancien élève de son école meurt lors de la guerre des Malouines. Le récit bascule lors de la rencontre de Mme Crommelynck qui s’intéresse à son « œuvre ». Vif et pertinent, l’échange littéraire et critique donne une profondeur soudaine à la destinée de Jason qui s’interroge sur sa création : « Dès qu’un poème a quitté le nid, il n’en a plus rien à faire de vous ».

       Plein de fantaisie et de tendresse, de poésie et de psychologie, ce roman d’initiation -y compris à l’amour et au divorce de ses parents- a le mérite insigne de montrer, en une discrète et cependant efficace charge satirique, combien nos contemporains sont encore barbares à l’encontre des valeurs intellectuelles et poétiques.

 

       Encore une volte-face romanesque. Après la structure géographique des Ecrits fantômes, après Cartographie des nuages et ses archipels temporels, le recours au récit autobiographique du Fond des forêts tranchait également et absolument avec ce qui, dans Les Mille automnes de Jacob de Zoet, relève d’un genre apparemment passéiste : le roman historique.

      Nous sommes en effet en 1799. Dans le cadre de l’accord privilégié qui permit aux commerçants hollandais d’établir des comptoirs en un Japon jalousement fermé aux Européens, Jacob de Zoet obtient mandat de la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales pour commercer avec l’Empire du soleil levant. C’est un jeune clerc, un brin naïf, qui devra affronter les regards sans indulgence et se frayer un chemin ardu. Surtout lorsqu’il devient amoureux d’une jeune femme captive du Seigneur Enomoto qui est plus proche du sadisme que de la cordialité. Au roman sentimental s’ajoutent les péripéties dramatiques du pavé farci d’aventures : enlèvement, esclaves sexuelles, visage semi-brûlé de la belle qu’il faudra sauver… On pourrait croire à un ouvrage dont l’objectif serait, outre l’exotisme, la distraction de son lecteur emporté par l’aisance de la narrativité. Mais l’acuité réaliste, par exemple la mise en scène d’un accouchement, puis de l’opération d’un calcul de la vessie, permet de percevoir l’état des sciences à la fin du XVIII°. L’échange encyclopédique de connaissances, économiques, politiques, entre Néerlandais et Japonais est ainsi fructueux, malgré l’interdiction d’apprendre la langue de l’archipel… Confrontant l’Orient et l’Occident, en un choc des cultures, entre un protestant passablement puritain et la langue salée des japonaises, leurs mœurs surprenantes, le jeune héros, déraciné, réenraciné, devient une sorte d’homme aux identités plurielles, un peu comme son auteur.

 

 

      La structure du roman puzzle est propice au fantastique. Ainsi David Mitchell compose un ensemble de cinq récits, dont le pivot est la maison du titre : Slade House. En dépit du temps, elle sait garder ses secrets, car tous les neuf ans, depuis 1979 jusqu’en 2015, elle engloutit ses visiteurs derrière sa porte cachée dans une ruelle. Là un jardin florissant, une demeure digne d’un manoir paraissent assurer le bonheur de ses habitants et de ses invités, comme la pianiste qui se voit fêtée.

      Pourtant ce réalisme, d’abord affecté par l’étrangeté, est de plus en plus perturbé, chamboulé par l’interversion du rêve et de la réalité, à laquelle est d’abord sensible un enfant, Nathan, qui oscille entre l’Amérique maternelle et la Rhodésie paternelle. Quant au policier qui rencontre l’amour auprès de la maîtresse du lieu, Chloe, il croit mener une enquête conventionnelle, concernant la disparition de Nathan et de sa mère, tout en devant accepter l’idée de paisibles fantômes, ceux des jumeaux Norah et Jonah venus du premier récit. « Promettez-moi que je ne suis pas en train de vous rêver », s’entend-il dire lorsque le délire de l’espace et le désordre du mental s’emballent. Y compris parmi le « club Paranormal », qui reprend l’enquête, les avaleurs d’âmes sévissent sans espoir de retour dans une introuvable maison.

      « Ton âme se dissoudrait comme un morceau de sucre », prévient un des personnages. Est-ce le destin qui attend tout visiteur, voire tout lecteur de Slade House ? David Mitchell, connu pour ses romans singuliers, aux structures étonnantes, comme La Cartographie des nuages, maîtrise en virtuose les particularités des voix narratives. En cette réécriture toute personnelle du mythe des vampires, il répond à un chef-d’œuvre contemporain de la littérature américaine fantastique : La maison des feuilles de Mark Z. Danielewski.

        Après avoir vécu au Japon, le romancier anglais David Mitchell, né en 1969, semble, au cours de sa carrière d’écrivain, prendre successivement en écharpe tous les genres romanesques. Jusqu’où ira-t-il ? S’il parait à chaque fois moins novateur qu’attendu, il s’en tire toujours avec richesse et brio, comme par une pirouette générique. Jacob de Zoet s’était acclimaté dans l’incroyable au point de se retrouver un étranger à son retour. De même, au sortir de chaque roman de David Mitchell, puzzle géographique, temporel, autobiographique ou historique, ou encore fantastique, le lecteur se sent à la fois, sans qu’il faille les opposer, plus étranger au monde et plus présent dans la littérature…

 

Thierry Guinhut

Les parties sur Ecrits fantômes et Le Fond des forêts ont été publiées

dans Le Matricule des Anges, juin 2004 et mars 2009, celle sur Les Mille automnes, avril 2012,

celle sur Slade House, juillet-aoüt 2019.

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

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1 octobre 2011 6 01 /10 /octobre /2011 14:33

 

Rio de Bachimana, Panticosa, Alto Aragon. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

William Gaddis, un géant sibyllin ;

JR entre Reconnaissances et Agonie d'Agapè.

 

William Gaddis : JR,

William Gaddis : Agonie d'agapè,

traduits de l’anglais (Etats-Unis) par Marc Cholodenko et par Claro,

Plon, 1078 p, 26 €, 144 p, 17 €.

 

 

 

 

Curieusement, Gaddis avoue ne jamais avoir eu de difficultés à trouver un éditeur. Son premier pavé, Les Reconnaissances[1], publié en 1955, fut pourtant, comme il était prévisible, boudé autant par les critiques que par les lecteurs qui piquèrent rapidement du nez. Seuls quelques passionnés, en avance sur leur temps, comme Pynchon[2], alors tout jeune écrivain, le remarquèrent assez pour s’enthousiasmer et pour en prendre de la graine. Plus tard, en 1975, le New York Times écarta les mille pages de JR d’un revers de jugement : « illisible ». Aujourd’hui encore, malgré une souterraine réputation, un rien élitiste, qui l’élève au niveau de Joyce, Proust, Musil ou Lezama Lima, le lecteur de bonne intention risque d’imploser au contact d’une prose furieusement polymorphe et lacunaire…

Qui est donc William Gaddis ? Pas tout à fait un invisible comme Pynchon et Salinger, autres ténors inconciliables du roman américain, mais un monstre de travail silencieux. Né en 1922, il a donné cinq romans en maintes décennies de patience et d’obstination, jusqu’à sa mort en 1998. Bienheureux quand le silence lui répondait à la place du mépris. Il croyait changer le monde grâce à l’impact de son premier livre, et le monde ne sut que le taxer d’avoir eu l’imbécile ambition du chef-sans d’œuvre sans pouvoir y parvenir. Pourtant, de bouche à oreille, puis avec une secrète et internationale aura, ce sont bientôt des bréviaires cultes. On reconnaît enfin le pouvoir d’évocation et d’élucidation du monde contemporain de ces sommes souvent maximalistes, de ces vaisseaux fantômes animés de voix pénétrantes et atomisées où se laisser emporter en un intimidant, quoique ludique, labyrinthe.

Une narration repérable semblait fermement animer Les Reconnaissances, ce roman de l’artiste en formation où peintre faussaire et plagiaires côtoient un pacte faustien et un musicien dont l’œuvre d’orgue fait s’effondrer son église. Celle de JR paraît plus atomisée. Ici, à peine le soupçon d’un narrateur distant. Dans le cadre d’une stupéfiante oralité, des voix seulement, des dialogues entrechoqués par des individus malaisément identifiés qui ne s’écoutent pas, coupés, harcelés de bribes de discours juridiques, boursiers, scientifiques, économiques… Sans compter ces bouts de non-savoir qui parasitent et ponctuent les conversations courantes, ces interjections et attaques de phrases interrompues, tout le dépotoir du langage que le romancier avait jusque-là élagué pour nous offrir un tout intelligible et clair de la réalité, en un mot un idéal. Cependant, pour paraphraser l’épigraphe des Reconnaissances (« Nihil cavum sine signo apud Deum[3] ») en Gaddis rien n’est vide de sens. N’avons-nous pas vécu ces conseils d’administration ou chacun ressasse ses obsessions, ces projets pédagogiques où la bassesse des justifications alterne avec le vide des grands mots et le masque des théories, le tout lacéré par la cacophonie ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Parce que chacun ne parle que du versant de sa folie, la première scène de JR (paru en 1975) agite les thèmes de la généalogie et de l’héritage en opposant les points de vue incompatibles de l’homme de loi et de la femme bourrée de souvenirs sentimentaux. Avant de faire apparaître le personnage éponyme, « JR » lui-même, un Junior qui devient rapidement grand, démesuré, gonflant ce millier de pages de sa faconde et de sa réussite outrageuse. Ce n’est qu’un gosse en baskets, qui, du bas de ses onze ans, et dans la cadre d’une initiation scolaire à Wall Street, achète une modeste action. Se prenant au jeu, depuis des cabines téléphoniques et au moyen de mandats postaux, ce « génie du fric » déguise sa voix pour augmenter son activité capitalistique. Parmi ses achats, des fourchettes à pique-nique de la Marine, des obligations périmées, ou une lilliputienne action qui deviennent de fil en aiguille les ressorts d’un énorme empire financier. Ainsi le petit JR est à la tête, quoique incognito, d’exploitations forestières, minières, gazières, sans compter l’édition ou les pompes funèbres, couvrant le spectre entier de l’économie et du cours de la vie humaine.

La satire de la « libre entreprise », son comique sans cesse renouvelé et bafoué, peut sembler facile, car l’intelligence de la spéculation nécessaire à une économie en expansion, n’est pas donnée à tous. Et la réduction du capitalisme à un jeu de loterie finalement assimilé à un immense château de cartes menacé d’écroulement par l’éclatement de la bulle spéculative est autant furieusement réaliste que bien caricaturale, ce en quoi elle ne devrait satisfaire que les jaloux, les revanchards, les fantasmeurs professionnels d’éden socialiste ou libertaire. Cependant, on ne peut qu’être emporté par ce maelström, cette épopée bouffonne… Au point que les critiques ont parfois comparé ce roman à Moby Dick, de par l’immensité de son ambition, quoique dévasté par la parodie, comme Scarron le fit de L’Enéide avec son Virgile travesti.

Avouons que nous avons peu de chance de venir à bout d’une telle œuvre babélienne, de ces merveilleux déchets lyriques parfois abandonnés par le narrateur et broyés par les dialogues des protagonistes au milieu du torrent hasardeux de la communication : « Lis ce que dit Wiener sur la communication, plus le message est compliqué, plus il y a de foutues chances d’erreur, prends quelques années de mariage tel foutu complexe de naissance dans les deux sens peut pas faire passer une foutue chose, foutrement trop d’entropie, dis bonjour, elle a une foutue migraine ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme ce livre, ce puissant capital d’entreprises (dont plusieurs journaux et maisons d’édition) n’est que papier et fiction, délire de la néguentropie de l’économie et de l’entropie du langage. Ainsi la croissance financière peut s’emballer sans le secours d’aucun travail, sinon celui de la langue : les variations sur « money », « vendez », « achetez ». Jusqu’à l’écroulement sur ordre des surveillants de Wall Street. Mais à l’entropie de ce capitalisme qui finit par se menacer lui-même par ses excès spéculatifs, sans réelle sagesse économique, répond l’accumulation avalancheuse des allusions aux artistes. D’Empédocle à Wagner, les grands desseins philosophiques, poétiques et opératiques sont hachés menus dans le canon à particules de l’accélérateur de langage Gaddis. Dans une telle « foutue » société, « genre » verbeuse (ces pâtés de langue qui permettent de reconnaître un émetteur), où la valeur passe par le message publicitaire, par les prix et les cours du marché indexés sur le plus grand nombre, sur la bassesse et la vulgarité grégaire, il n’y a guère de place pour l’authentique artiste. Les profs de musique et d’anglais de JR, Bast et Gibbs (qui gribouille un roman) ne pourront construire la cathédrale de leurs œuvres, un opéra et un essai sur la mécanisation de l’art.

Finalement, à une deuxième lecture (si tant est que cela soit possible) l’œuvre du géant sibyllin de la littérature américaine se déplie, s’ouvre sous nos yeux éblouis. Ses échardes deviennent des beautés, ses obscurités s’éclairent pour former un tableau percutant et cultivé à plaisir de notre modernité ; non sans l’amertume d’y constater ce que nos sociétés font de l’art. Comme nombre de grands romans américains, du Léviathan de Paul Auster à L’Arc-en-ciel de la gravité de Pynchon, Gaddis jubile de ce catastrophisme, pourtant largement fantasmatique, qui peut-être un gage de lucidité pour l’avenir. La chute de l’empire JR est un peu celle du Capitaine Achab ou de l’empire romain. Elle semble annoncer l’apocalypse d’une société qui n’a que des prix et pas de valeur, ce que d’aucuns appelleraient la marchandisation du monde, oubliant que c’est grâce à celle-ci que nous pouvons en jouir, quoique pas toujours avec discernement, et que nos libertés s’étendent. Pourtant, l’œuvre de Gaddis, « mentionnée avec considération bien qu’on la joue rarement[4] », a trouvé son achèvement, sans compter deux fois la récompense du National Book Award[5]. Elle peut être lue et sondée dans cette société qui conjugue réussite du libéralisme -et pour certains l’excès de ses malfaisances- avec cette difficile liberté de l’art qui est le signe de la santé démocratique d’une nation et d’une civilisation. Certes, ce contrat faustien avec le capitalisme est également un art en quête d’auditeur impossible, dans ce qui sont les dernières lignes de JR : « ce livre là qu’ils voulais que j’écris sur le succès et la libre entreprise et tout hé ? (…) Alors je veux dire, j’ai eu cette idée extra là hé, vous écoutez ? Hé ? Vous écoutez… ? ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Que l’on se console. Malgré un autre opus assez volumineux, Le Dernier acte[6], qui hésite entre encyclopédie judicaire et satire dévastatrice de la manie procédurière, notre romancier sibyllin a publié deux plus courts objets : Gothique charpentier[7], flot de conversations entre culture et censure, et Agonie d’Agapè. Ce dernier est peut-être le plus émouvant roman du créateur : monologue d’un malade au crépuscule de sa vie, au milieu de ses filles avides ou gardiennes d’héritage, et qui ne cesse de bousculer le manuscrit ultime d’une vie, où la mécanisation des arts et le déclin de l’artiste tissent une réflexion pleine d’acuité. Il y dénonce « la fausse démocratisation des arts dans le divertissement, et l’élimination de l’artiste individuel en tant que menace pour la société. » On aura compris qu’il s’agit de la réalisation du projet avorté d’un personnage de JR, Gibbs, qui tentait d’écrire l’histoire du piano mécanique comme ancêtre de l’ordinateur, créant ainsi une étonnante mise en abyme.

Nul doute que l’exigence d’une telle œuvre au long cours rebute les lecteurs amateurs de facilité ; soyons sûrs cependant que le défi n’en restera que plus succulent pour un intellect libre et curieux de voir dans le roman autre chose qu’une bluette sentimentalo-réaliste : une réelle prise en écharpe du monde contemporain et de ses mutations…

Thierry Guinhut

Revu et augmenté à partir d’un article publié dans Calamar, printemps 1998.

 Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Gallimard, 992 p en deux tomes, 1973.

[3] « Auprès de Dieu, rien n’est vide de sens. » Saint-Irénée.

[4] Dernière ligne des Reconnaissances.

[5] Pour JR et pour Le Dernier acte

[6] Plon, 1994.

[7] Christian Bourgois, 1985.

Voir également : Brigitte Félix : William Gaddis : L'Alchimie de l'écriture, Voix américaines, Belin, 1997.

 

Le Cap-Ferret, Gironde. Photo : T. Guinhut.

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16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 20:39

 

Grand'Rue, Poitiers, Vienne. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

William H. Gass, juge de l’humaine culpabilité :

 

au bout du Tunnel, la  Sonate cartésienne

 

& Le Musée de l’inhumanité.

 

 

William H. Gass : Le Tunnel, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claro,

Le Cherche Midi, « Lot 49 », 2007, 750 p, 26 €.

 

William H. Gass : Sonate cartésienne et autres récits,

traduit de l’anglais par Marc Chénetier, Le Cherche Midi, « Lot 49 », 2009, 300 p, 20 €.

 

William H. Gass : Le Musée de l’inhumanité, traduit de l’anglais par Claro,

Le Cherche Midi, « Lot 49 », 2015, 576 p, 21 €.

 

 

 

 

 

      Le tunnelier au travail peut-être un écrivain, obstiné, patient, opiniâtre. C’est, de l’Allemagne nazie à la vie personnelle, l’énorme et grand roman de la culpabilité, par l’Américain William H. Gass : Le Tunnel. Ce monstre littéraire a longtemps été un mythe, un « work in progress » comme Finnegans Wake de James Joyce. Un de ces livres monumentaux, aussi longtemps annoncés qu’attendus, enfin publié en 1995… Pourtant, pour se faire tant désirer, William Gass, né en 1924, n’est l’auteur que de peu de titres : quelques essais, un roman, La Chance d’Omensetter[1], et un recueil de nouvelles : Au cœur du cœur de ce pays[2] ; sans compter quelques essais que l’on n’a pas cru encore traduire. Mais aux Etats Unis le roman obtint un succès critique remarquable, placé qu’il fut entre Joyce et Faulkner. Comme pour se faire pardonner cette ascèse imposée à son lecteur complice et contraint, le romancier a su fomenter de convaincantes nouvelles réunies parmi sa Sonate cartésienne et autres récits. Un recueil qui fait figure de classique, tant la vision de quelques insectes noirs emporte la narratrice dans une dimension cosmique et métaphysique avec rapidité. Et, surprise, le vieil William H. Gass, juge inquiet de l’humaine culpabilité, sut, avant de décéder en 2017, nous gratifier en 2013 d’un ultime roman : Le Musée de l’inhumanité.

 

      Pendant plus d’un quart de siècle, William H. Gass, qui fut également professeur de philosophie, creusa son « tunnel » narratif et conceptuel. Cette excavation est métaphoriquement à plusieurs étages (notons que William H. Gass a écrit une thèse sur la métaphore). Le creusement de soi d’abord, le trou formé par l’holocauste au cœur du XX° siècle ensuite et l’avancée, le commentaire de l’écriture. Et encore ce ne sont que les niveaux les plus apparents. Notre tunnelier explore les sous sols de la condition humaine et de l’Histoire avec une richesse lexicale et sémantique telle que l’on a pu faire pavoiser ce roman au pinacle de la littérature, aux côtés d’Ulysse et de La recherche du temps perdu. Mais on a été jusqu’à le traiter de « tas de merde ».

      Presque un double de l’auteur, le narrateur, William Frederick Kolher, écrit « pour accuser le genre humain ». Il achève une énorme thèse sur « Culpabilité et innocence dans l’Allemagne de Hitler ». Parallèlement, il se livre aux délices rouspéteurs de l’introspection - même si le mot est récusé - en entreprenant la cinquantaine venue, une remémoration autobiographique : le récit par bribes de son enfance dans le Midwest des années de la crise de 1929, entre ses parents râleurs et alcooliques, est une deuxième facette de « ce siècle désastreux ». Peut-être est-ce cette dernière qui convaincra le plus, entre un catastrophique goûter d’anniversaire, l’érosion acide de la relation conjugale avec Martha et la séduction d’une étudiante. Alternant la lecture des poèmes de Rainer Maria Rilke et des « journaux intimes de tous ceux qui finiraient gazés », pour qui il imagine cent destins possibles et brisés, il « compose des culpagrammes », sans épargner personne. Mais en tentant de se disculper, autant qu’il l’a fait pour les nazis, il montre son « fascisme du cœur » (et le nôtre peut-être). Car il a à la fois participé à des manifestations antisémites pendant qu’il étudiait en Allemagne sous la férule de l’historien Magus Tabor (surnommé « Margot la folle ») et au procès de Nuremberg comme soldat américain.

      C’est un essai polymorphe autant qu’un roman, sans guère d’action. En quelque sorte un « tunnel » en argot théâtral, soit une fort longue tirade à charge pour l’acteur, si l’on veut nous pardonner le jeu de mots. Le contrepoint entre tunnel dans la mémoire personnelle, dans l’Histoire, et celui creusé dans la cave à l’insu de Martha qui découvre avec horreur les décombres dans son tiroir est intellectuellement brillant. La narrativité est remplacée par la virtuosité thématique et d’écriture. Et, malgré une typographie ludique, si l’on goûte et admire nombre de pages - voyez l’étonnante invocation aux Muses -, sans compter la puissance de la conception, comme lorsque l’on lit les œuvres de quelques indiscutables grands, de James Joyce à Thomas Pynchon[3] ou William Gaddis[4], l’on bute parfois sur le sentiment que le monstrueux chewing-gum remâché est boursouflé, étiré au point que l’attention se perdre parmi l’excès de richesse et les trous ainsi creusés. Une dynamique narrative passablement brillante ne serait pas de trop. Néanmoins, il serait dommage de ne pas plonger dans cette lecture au long cours, tant les lumières qui jaillissent dans ce bavard, délirant et sombre conduit sans issue sont éclairantes, tant il se révèle prodigieusement intéressant. Voici donc un des fleurons de l’une des plus belles idées de l’édition française : la collection « Lot 49 » qui publie les « baleines blanches » de la fiction en langue anglaise.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Après son monstrueux Tunnel qui longtemps fut un mythe, un « work in progress » de plus d’un quart de siècle, William Gass nous livre avec une étonnante rapidité sa Sonate cartésienne, au fronton d’un recueil de quatre récits. Les trois premiers ont un commun des personnages solitaires, usés. La « voyante extra lucide » disparaît en elle-même, « malade » de l’incompréhension de son mari. Car loin de « l’essence astrale », « la matière seule n’avait aucun sens ». Autant le portrait de la pauvre hallucinée est ici pathétique, autant  la dénonciation des illuminismes qui s’emparent des esprits faibles est cruelle. Autre délaissée, Emma veut fuir la réalité sordide et « s’ensevelir », moins dans l’anorexie, que « dans un vers » de la poétesse Elizabeth Bishop. La tragique créature, acculée par sa folie au parricide, est un peu la sœur, également incomprise et incompréhensible, de la précédente anti-héroïne du nouvelliste. Quant au comptable du troisième récit, lui aussi délaissé, un brin déglingué, il va parvenir à trouver une assomption plus modeste et moins dangereuse, quoique trop passagère. Examinant la bibliothèque d’un motel, il y trouve la vacuité d’une littérature jadis à la mode, avant de rencontrer une « Chambre d’hôtes parfaite ». L’une a trouvé des poèmes idéaux, l’autre un lieu qui donne un sens ultime à sa vie par sa qualité d’œuvre d’art aux détails nombreux. En effet, au réalisme cartésien répond la sonate (en trois mouvements) de l’écriture postjoycienne. Monologue intérieur et courant de conscience balisent la découverte du personnage par son créateur qui en affirme la fiction. Au-delà de la satire du vulgum pecus américain, l’œuvre d’art est le moyen et la fin. N’en doutons pas, les épiphanies des deux derniers personnages sont aussi les reflets de l’esthétique littéraire de l’auteur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Plus ambitieux encore, le dernier récit, Sonate cartésienne, bien qu’animé par un personnage fondamentalement malheureux, est très différent. Un jeune homme devient « Le maître des vengeances secrètes », jusqu’à imaginer, dans un « pamphlet », une fosse où enfermer délinquants et criminels pour que le public les arrose d’urine. Cette « modeste proposition » (notons l’allusion à Jonathan Swift[5]) permettra d’effacer « les taches maculant leurs âmes morales ». L’angoisse sexuelle, la religiosité obscurantiste et le ressentiment se parent de philosophie sur les justiciables et le châtiment, faisant du personnage un artiste de la vengeance, un « gourou » inventeur de religion vengeresse. L’infamie régressive du justicier dépasse alors celle du criminel, dans un égarement moral pire que l’immoralité de ceux que l’on punit. L’ironie de la satire politique ne peut que dévaster la dimension cartésienne de cette proposition judiciaire.

      Fort heureusement, depuis la vengeance primitive biblique (sept fois le prix du sang) en passant par le talion (œil pour œil et dent pour dent) la justice moderne a progressé jusqu’à la capacité de comprendre et de pardonner pour rédimer, si possible, jusqu’au plus infâme. Une Amérique aux pulsions bestiales intellectualisées et sacralisées est ici dépeinte, quoique sans préjudice pour une Amérique éclairée que William Gass prétend bien incarner. Non sans cohérence avec son Tunnel, dont le narrateur rédige un opus monstrueux destiné à dresser le mémorandum d’un procès de Nuremberg que n’aurait peut-être pas désavoué Hannah Arendt en son Eichmann à Jérusalem[6]… Après un pavé que les lecteurs hésitent à ranger entre le rayon de l’étouffant illisible et celui de l’œuvre géniale, l’écriture virtuose des récits du vieil écrivain permet alors l’assomption d’un conte philosophique inquiétant, d’une « sonate «  puissamment discordante, d’un apologue politique des plus brillants.

 

      S’intronisant juge de l’humanité, Joseph Skizzen a l’impudence de régir un Musée de l’inhumanité. Mais il en est le seul juge et partie, le seul créateur et spectateur, puisque par discrétion, peur de se faire remarquer, il ne le construit et ne l’enrichit que dans son grenier. Il faut dire qu’il a une généalogie suspecte : ses parents, Autrichiens, sont parvenus à se faire passer pour Juifs afin d’émigrer aux Etats-Unis. Voilà pour l’écho au Tunnel, mais un autre écho s’entend depuis la Sonate cartésienne : Joseph Skizzen est professeur agrégé de musique de son état, avec une préférence pour Chopin, au détriment de Schönberg. Où l’on devine que la satire du milieu universitaire ne perd pas son temps… La biographie fictive de Joseph emprunte un lent cheminement, depuis son enfance où il dévore maints livres et partitions, fréquentant la bibliothèque locale au rangement peu cohérent, jusqu’à ce que mûrisse « l’idée d’un musée qui rappellerait à ses visiteurs la vilénie de l’humanité - non sa noblesse et ses triomphes mais sa vulgaire cupidité ». Peu à peu, il accumule des fiches, non pas sur des objets, mais sur des événements de l’Histoire : guerres, massacres, d’Athènes à la Vendée, de l’Arménie à l’Ukraine, en passant par Gengis Khan. La conclusion du personnage testamentaire de notre romancier des culpabilités est amère : « Je ne sais pas si la beauté est encore possible ici-bas ». Il n'est pas certain que l'on doive adhérer en tous points à cette sorte de défaitisme où l’inhumanité l’emporte sans distinction...

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

La partie sur Le Tunnel a été publiée dans Le Matricule des anges, avril 2007,

celle sur Sonate cartésienne dans La République des Lettres, février 2010.

 

[1] William H. Gass : La Chance d’Omensetter, Gallimard, 1969.

[2] William H. Gass : Au cœur du cœur de ce pays, Rivages, 1995.

[5] Jonathan Swift : Modestes propositions, in Instructions aux domestiques suivies des opuscules humoristiques, Club Français du livre, 1966.

 

Lierre du jardin. Photo : T. Guinhut.

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Quand les chauve-souris chantent, les animaux ont-ils des droits ?

Jusqu'où faut-il respecter les animaux ? Animalisme et humanisme

L'incroyable bestiaire de l'émerveillement

Philosophie porcine du harcèlement

Philosophie animale, bestioles, musicanimales

Chats littéraires et philosophie féline

Apologues politiques, satiriques et familiers

Meshkov : Chien Lodok, l'humaine tyrannie

Le corbeau de Max Porter

 

 

 

 

 

 

Antiquité

Le sens de la mythologie et des Enfers

Métamorphoses d'Ovide et mythes grecs

Eloge des déesses grecques et de Vénus

Belles lettres grecques d'Homère à Lucien

Anthologies littéraires gréco-romaines

Imperator, Arma, Nuits antiques, Ex machina

Histoire auguste et historiens païens

Rome et l'effondrement de l'empire

Esthétique des ruines : Schnapp, Koudelka

De César à Fellini par la poésie latine

Les Amazones par Mayor et Testart

Le Pogge et Lucrèce par Greenblatt

Des romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

Antisémitisme

Histoire et rhétorique de l'antisémitisme

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Céline et les pamphlets antisémites

Wagner, Tristan und Isolde et antisémitisme

Kertesz : Sauvegarde

Eloge d'Israël

 

 

 

 

 

 

Appelfeld

Les Partisans, Histoire d'une vie

 

 

 

 

 

 

 

Arbres

Leur vie, leur plaidoirie : Wohlleben, Stone

Richard Powers : L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

Arendt

Banalité du mal, banalité de la culture

Liberté d'être libre et Cahier de L'Herne

Conscience morale, littérature, Benjamin

Anders : Molussie et Obsolescence

 

 

 

 

 

 

 

Argent

Veau d'or ou sagesse de l'argent : Aristote, Simmel, Friedman, Bruckner

 

 

 

 

 

 

Aristote

Aristote, père de la philosophie

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

Art contemporain

Que restera-t-il de l’art contemporain ?

L'art contemporain est-il encore de l'art ?

Décadence ou effervescence de la peinture

L'image de l'artiste de l'Antiquité à l'art conceptuel

Faillite et universalité de la beauté

Michel Guérin : Le Temps de l'art

Théories du portrait depuis la Renaissance

L'art brut, exclusion et couronnement

Hans Belting : Faces

Piss Christ, icone chrétienne par Serrano

 

 

 

 

 

 

Attar

Le Cantique des oiseaux

 

 

 

 

 

 

Atwood

De la Servante écarlate à Consilience

Contes réalistes et gothiques d'Alphinland

Graine de sorcière, réécriture de La Tempête

 

 

 

 

 

 

Bachmann

Celan Bachmann : Lettres amoureuses

Toute personne qui tombe a des ailes, poèmes

 

 

 

 

 

 

 

Bakounine

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

L'anarchisme : tyrannie ou liberté ?

 

 

 

 

 

 

Ballard

Le romancier philosophe de Crash et Millenium people

Nouvelles : un artiste de la science-fiction

 

 

 

 

 

 

 

Bande dessinée, Manga

Roman graphique et bande-dessinée

Mangas horrifiques et dystopiques

 

 

 

 

 

 

 

Barcelo

Cahiers d'Himalaya, Nuit sur le mont chauve

 

 

 

 

 

 

 

Barrett Browning

E. Barrett Browning et autres sonnettistes

 

 

 

 

 

 

 

Bashô

Bashô : L'intégrale des haikus

 

 

 

 

 

 

Basile

Le conte des contes, merveilleux rabelaisien

 

 

 

 

 

 

Bastiat

Le libéralisme contre l'illusion de l'Etat

 

 

 

 

 

 

Baudelaire

Baudelaire, charogne ou esthète moderne ?

"L'homme et la mer", romantisme noir

Vanité et génie du dandysme

Baudelaire de Walter Benjamin

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

Beauté, laideur

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai, La Mouette de Minerve éditeur

Art et bauté, de Platon à l’art contemporain

Laideur et mocheté

Peintures et paysages sublimes

 

 

 

 

 

 

Beckett 

En attendant Godot : le dénouement

 

 

 

 

 

 

Benjamin

Baudelaire par Walter Benjamin

Conscience morale et littérature

Critique de la violence et vices politiques

Flâneurs et voyageurs

Walter Benjamin : les soixante-treize sonnets

Paris capitale des chiffonniers du XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

Benni

Toutes les richesses, Grammaire de Dieu

 

 

 

 

 

 

Bernhard

Goethe se mheurt et autres vérités

 

 

 

 

 

 

 

Bibliothèques

Histoire de l'écriture & Histoire du livre

Bibliophilie : Nodier, Eco, Apollinaire

Eloges des librairies, libraires et lecteurs

Babel des routes de la traduction

Des jardins & des livres, Fondation Bodmer

De l'incendie des livres et des bibliothèques

Bibliothèques pillées sous l'Occupation

Bibliothèques vaticane et militaires

Masques et théâtre en éditions rares

De Saint-Jérôme au contemporain

Haine de la littérature et de la culture

Rabie : La Bibliothèque enchantée

Bibliothèques du monde, or des manuscrits

Du papyrus à Google-books : Darnton, Eco

Bibliothèques perdues et fictionnelles

Livres perdus : Straten,  Schlanger, Olender

Bibliophilie rare : Géants et nains

Manguel ; Uniques fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

 

Blake

Chesterton, Jordis : William Blake ou l’infini

Le Mariage du ciel et de l’enfer

 

 

 

 

 

 

 

Blasphème

Eloge du blasphème : Thomas-d'Aquin, Rushdie, Cabantous, Beccaria

 

 

 

 

 

 

Blog, critique

Du Blog comme œuvre d’art

Pour une éthique de la critique littéraire

Du temps des livres aux vérités du roman

 

 

 

 

 

 

 

Bloom

Amour, amitié et culture générale

 

 

 

 

 

 

 

Bloy

Le désespéré enlumineur de haines

 

 

 

 

 

 

 

Bolaño

L’artiste et le mal : 2666, Nocturne du Chili

Les parenthèses du chien romantique

Poète métaphysique et romancier politique

 

 

 

 

 

 

 

Bonnefoy

La poésie du legs : Ensemble encore

 

Borel

Pétrus Borel lycanthrope du romantisme noir

 

 

 

 

 

 

 

Borges

Un Borges idéal, équivalent de l'univers

Géographies des bibliothèques enchantées

Poèmes d’amour, une anthologie

 

 

 

 

 

 

 

Brague

Légitimité de l'humanisme et de l'Histoire

Eloge paradoxal du christianisme, sur l'islam

 

 

 

 

 

 

Brésil

Poésie, arts primitifs et populaires du Brésil

 

 

 

 

 

 

Bruckner

La Sagesse de l'argent

Pour l'annulation de la Cancel-culture

 

Brume et brouillard

Science, littérature et art du brouillard

 

 

 

 

 

 

Burgess

Folle semence de L'Orange mécanique

 

 

 

 

 

 

 

Burnside

De la maison muette à l'Eté des noyés

 

 

 

 

 

 

Butor

Butor poète et imagier du Temps qui court

Butor Barcelo : Une nuit sur le mont chauve

 

 

 

 

 

 

Cabré

Confiteor : devant le mystère du mal

 

 

 

 

 

 

 

Canetti

La Langue sauvée de l'autobiographie

 

 

 

 

 

 

Capek

La Guerre totalitaire des salamandres

 

 

 

 

 

 

Capitalisme

Eloge des péchés capitaux du capitalisme

De l'argument spécieux des inégalités

La sagesse de l'argent : Pascal Bruckner

Vers le paradis fiscal français ?

 

 

 

 

 

 

Carrion

Les orphelins du futur post-nucléaire

Eloges des librairies et des libraires

 

 

 

 

 

 

 

Cartarescu

La trilogie roumaine d'Orbitor, Solénoïde ; Manea : La Tanière

 

 

 

 

 

 

 

Cartographie

Atlas des mondes réels et imaginaires

 

 

 

 

 

 

 

Casanova

Icosameron et Histoire de ma vie

 

 

 

 

 

 

Catton

La Répétition, Les Luminaires

 

 

 

 

 

 

Cavazzoni

Les Géants imbéciles et autres Idiots

 

 

 

 

 

 

 

Celan

Paul Celan minotaure de la poésie

Celan et Bachmann : Lettres amoureuses

 

 

 

 

 

 

Céline

Voyage au bout des pamphlets antisémites

Guerre : l'expressionnisme vainqueur

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

 

Censure et autodafé

Requiem pour la liberté d’expression : entre Milton et Darnton, Charlie et Zemmour

Livres censurés et colères morales

Incendie des livres et des bibliothèques : Polastron, Baez, Steiner, Canetti, Bradbury

Totalitarisme et Renseignement

Pour l'annulation de la cancel culture

 

 

 

 

 

 

Cervantès

Don Quichotte peint par Gérard Garouste

Don Quichotte par Pietro Citati et Avellaneda

 

 

 

 

 

 

Cheng

Francois Cheng, Longue route et poésie

 

 

 

 

 

 

Chesterton

William Blake ou l'infini

Le fantaisiste du roman policier catholique

 

Chevalier

La Dernière fugitive, À l'orée du verger

Le Nouveau, rééecriture d'Othello

Chevalier-la-derniere-fugitive

 

Chine

Chen Ming : Les Nuages noirs de Mao

Du Gène du garde rouge aux Confessions d'un traître à la patrie

Anthologie de la poésie chinoise en Pléiade

 

 

 

 

 

 

Civilisation

Petit précis de civilisations comparées

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

 

 

 

 

 

 

 

Climat

Histoire du climat et idéologie écologiste

Tyrannie écologiste et suicide économique

 

 

 

 

 

 

Coe

Peines politiques anglaises perdues

 

 

 

 

 

 

 

Colonialisme

De Bartolomé de Las Casas à Jules Verne

Métamorphoses du colonialisme

Mario Vargas Llosa : Le rêve du Celte

Histoire amérindienne

 

 

 

 

 

 

Communisme

"Hommage à la culture communiste"

Karl Marx théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

 

 

 

 

 

 

Constant Benjamin

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Corbin

Fraicheur de l'herbe et de la pluie

Histoire du silence et des odeurs

Histoire du repos, lenteur, loisir, paresse

 

 

 

 

 

 

 

Cosmos

Cosmos de littérature, de science, d'art et de philosophie

 

 

 

 

 

 

Couleurs
Couleurs de l'Occident : Fischer, Alberti

Couleurs, cochenille, rayures : Pastoureau

Nuanciers de la rose et du rose

Profondeurs, lumières du noir et du blanc

Couleurs des monstres politiques

 

 

 

 

 


Crime et délinquance

Jonas T. Bengtsson et Jack Black

 

 

 

 

 

 

 

Cronenberg

Science-fiction biotechnologique : de Consumés à Existenz

 

 

 

 

 

 

 

Dandysme

Brummell, Barbey d'Aurevilly, Baudelaire

 

 

 

 

 

 

Danielewski

La Maison des feuilles, labyrinthe psychique

 

 

 

 

 

 

Dante

Traduire et vivre La Divine comédie

Enfer et Purgatoire de la traduction idéale

De la Vita nuova à la sagesse du Banquet

Manguel : la curiosité dantesque

 

 

 

 

 

 

Daoud

Meursault contre-enquête, Zabor

Le Peintre dévorant la femme

 

 

 

 

 

 

 

Darger

Les Fillettes-papillons de l'art brut

 

 

 

 

 

 

Darnton

Requiem pour la liberté d’expression

Destins du livre et des bibliothèques

Un Tour de France littéraire au XVIII°

 

 

 

 

 

 

 

Daumal

Mont analogue et esprit de l'alpinisme

 

 

 

 

 

 

Defoe

Robinson Crusoé et romans picaresques

 

 

 

 

 

 

 

De Luca

Impossible, La Nature exposée

 

 

 

 

 

 

 

Démocratie

Démocratie libérale versus constructivisme

De l'humiliation électorale

 

 

 

 

 

 

 

Derrida

Faut-il pardonner Derrida ?

Bestiaire de Derrida et Musicanimale

Déconstruire Derrida et les arts du visible

 

 

 

 

 

 

Descola

Anthropologie des mondes et du visible

 

 

 

 

 

 

Dick

Philip K. Dick : Nouvelles et science-fiction

Hitlérienne uchronie par Philip K. Dick

 

 

 

 

 

 

 

Dickinson

Devrais-je être amoureux d’Emily Dickinson ?

Emily Dickinson de Diane de Selliers à Charyn

 

 

 

 

 

 

 

Dillard

Eloge de la nature : Une enfance américaine, Pèlerinage à Tinker Creek

 

 

 

 

 

 

 

Diogène

Chien cynique et animaux philosophiques

 

 

 

 

 

 

 

Dostoïevski

Dostoïevski par le biographe Joseph Frank

 

 

 

 

 

 

Eco

Umberto Eco, surhomme des bibliothèques

Construire l’ennemi et autres embryons

Numéro zéro, pamphlet des médias

Société liquide et questions morales

Baudolino ou les merveilles du Moyen Âge

Eco, Darnton : Du livre à Google Books

 

 

 

 

 

 

 

Ecologie, Ecologismes

Greenbomber, écoterroriste

Archéologie de l’écologie politique

Monstrum oecologicum, éolien et nucléaire

Ravages de l'obscurantisme vert

Wohlleben, Stone : La Vie secrète des arbres, peuvent-il plaider ?

Naomi Klein : anticapitalisme et climat

Biophilia : Wilson, Bartram, Sjöberg

John Muir, Nam Shepherd, Bernd Heinrich

Emerson : Travaux ; Lane : Vie dans les bois

Révolutions vertes et libérales : Manier

Kervasdoué : Ils ont perdu la raison

Powers écoromancier de L'Arbre-monde

Ernest Callenbach : Ecotopia

 

 

 

 

 

 

Editeurs

Eloge de L'Atelier contemporain

Diane de Selliers : Dit du Genji, Shakespeare

Monsieur Toussaint Louverture

Mnémos ou la mémoire du futur

 

 

 

 

 

 

Education

Pour une éducation libérale

Allan Bloom : Déclin de la culture générale

Déséducation et rééducation idéologique

Haine de la littérature et de la culture

De l'avenir des Anciens

 

 

 

 

 

 

Eluard

« Courage », l'engagement en question

 

 

 

 

 

 

 

Emerson

Les Travaux et les jours de l'écologisme

 

 

 

 

 

 

 

Enfers

L'Enfer, mythologie des lieux

Enfers d'Asie, Pu Songling, Hearn

 

 

 

 

 

 

 

Erasme

Erasme, Manuzio : Adages et humanisme

Eloge de vos folies contemporaines

 

 

 

 

 

 

 

Esclavage

Esclavage en Moyen âge, Islam, Amériques

 

 

 

 

 

 

Espagne

Histoire romanesque du franquisme

Benito Pérez Galdos, romancier espagnol

 

 

 

 

 

 

Etat

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Constructivisme versus démocratie libérale

Amendements libéraux à la Constitution

Couleurs des monstres politiques

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Socialisme et connaissance inutile

Patriotisme et patriotisme économique

La pandémie des postures idéologiques

Agonie scientifique et sophisme français

Impéritie de l'Etat, atteinte aux libertés

Retraite communiste ou raisonnée

 

 

 

 

 

 

 

Etats-Unis romans

Dérives post-américaines

Rana Dasgupta : Solo, destin américain

Bret Easton Ellis : Eclats, American psycho

Eugenides : Middlesex, Roman du mariage

Bernardine Evaristo : Fille, femme, autre

La Muse de Jonathan Galassi

Gardner : La Symphonie des spectres

Lauren Groff : Les Furies

Hallberg, Franzen : City on fire, Freedom

Jonathan Lethem : Chronic-city

Luiselli : Les Dents, Archives des enfants

Rick Moody : Démonologies

De la Pava, Marissa Pessl : les agents du mal

Penn Warren : Grande forêt, Hommes du roi

Shteyngart : Super triste histoire d'amour

Tartt : Chardonneret, Maître des illusions

Wright, Ellison, Baldwin, Scott-Heron

 

 

 

 

 

 

 

Europe

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

Fables politiques

Le bouffon interdit, L'animal mariage, 2025 l'animale utopie, L'ânesse et la sangsue

Les chats menacés par la religion des rats, L'Etat-providence à l'assaut des lions, De l'alternance en Démocratie animale, Des porcs et de la dette

 

 

 

 

 

 

 

Fabre

Jean-Henri Fabre, prince de l'entomologie

 

 

 

 

 

 

 

Facebook

Facebook, IPhone : tyrannie ou libertés ?

 

 

 

 

 

 

Fallada

Seul dans Berlin : résistance antinazie

 

 

 

 

 

 

Fantastique

Dracula et autres vampires

Lectures du mythe de Frankenstein

Montgomery Bird : Sheppard Lee

Karlsson : La Pièce ; Jääskeläinen : Lumikko

Michal Ajvaz : de l'Autre île à l'Autre ville

Morselli Dissipatio, Longo L'Homme vertical

Présences & absences fantastiques : Karlsson, Pépin, Trias de Bes, Epsmark, Beydoun

 

 

 

 

 

 

Fascisme

Histoire du fascisme et de Mussolini

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Haushofer : Sonnets de Moabit

 

 

 

 

 

 

 

Femmes

Lettre à une jeune femme politique

Humanisme et civilisation devant le viol

Harcèlement et séduction

Les Amazones par Mayor et Testart

Christine de Pizan, féministe du Moyen Âge

Naomi Alderman : Le Pouvoir

Histoire des féminités littéraires

Rachilde et la revanche des autrices

La révolution du féminin

Jalons du féminisme : Bonnet, Fraisse, Gay

Camille Froidevaux-Metterie : Seins

Herland, Egalie : républiques des femmes

Bernardine Evaristo, Imbolo Mbue

 

 

 

 

 

 

Ferré

Providence du lecteur, Karnaval capitaliste ?

 

 

 

 

 

 

Ferry

Mythologie et philosophie

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

De l’Amour ; philosophie pour le XXI° siècle

 

 

 

 

 

 

 

Finkielkraut

L'Après littérature

L’identité malheureuse

 

 

 

 

 

 

Flanagan

Livre de Gould et Histoire de la Tasmanie

 

 

 

 

 

 

 

Foster Wallace

L'Infinie comédie : esbroufe ou génie ?

 

 

 

 

 

 

 

Foucault

Pouvoirs et libertés de Foucault en Pléiade

Maîtres de vérité, Question anthropologique

Herculine Barbin : hermaphrodite et genre

Les Aveux de la chair

Destin des prisons et angélisme pénal

 

 

 

 

 

 

 

Fragoso

Le Tigre de la pédophilie

 

 

 

 

 

 

 

France

Identité française et immigration

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Antilibéralisme : Darien, Macron, Gauchet

La France de Sloterdijk et Tardif-Perroux

 

 

 

 

 

 

France Littérature contemporaine

Blas de Roblès de Nemo à l'ethnologie

Briet : Fixer le ciel au mur

Haddad : Le Peintre d’éventail

Haddad : Nouvelles du jour et de la nuit

Jourde : Festins Secrets

Littell : Les Bienveillantes

Louis-Combet : Bethsabée, Rembrandt

Nadaud : Des montagnes et des dieux

Le roman des cinéastes. Ohl : Redrum

Eric Poindron : Bal de fantômes

Reinhardt : Le Système Victoria

Sollers : Vie divine et Guerre du goût

Villemain : Ils marchent le regard fier

 

 

 

 

 

 

Fuentes

La Volonté et la fortune

Crescendo du temps et amour faustien : Anniversaire, L'Instinct d'Inez

Diane chasseresse et Bonheur des familles

Le Siège de l’aigle politique

 

 

 

 

 

 

 

Fumaroli

De la République des lettres et de Peiresc

 

 

 

 

 

 

Gaddis

William Gaddis, un géant sibyllin

 

 

 

 

 

 

Gamboa

Maison politique, un roman baroque

 

 

 

 

 

 

Garouste

Don Quichotte, Vraiment peindre

 

 

 

 

 

 

 

Gass

Au bout du tunnel : Sonate cartésienne

 

 

 

 

 

 

 

Gavelis

Vilnius poker, conscience balte

 

 

 

 

 

 

Genèse

Adam et Eve, mythe et historicité

La Genèse illustrée par l'abstraction

 

 

 

 

 

 

 

Gilgamesh
L'épopée originelle et sa photographie


 

 

 

 

 

 

Gibson

Neuromancien, Identification des schémas

 

 

 

 

 

 

Girard

René Girard, Conversion de l'art, violence

 

 

 

 

 

 

 

Goethe

Chemins de Goethe avec Pietro Citati

Goethe et la France, Fondation Bodmer

Thomas Bernhard : Goethe se mheurt

Arno Schmidt : Goethe et un admirateur

 

 

 

 

 

 

 

Gothiques

Frankenstein et autres romans gothiques

 

 

 

 

 

 

Golovkina

Les Vaincus de la terreur communiste

 

 

 

 

 

 

 

Goytisolo

Un dissident espagnol

 

 

 

 

 

 

Gracian

L’homme de cour, Traités politiques

 

 

 

 

 

 

 

Gracq

Les Terres du couchant, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Grandes

Le franquisme du Cœur glacé

 

 

 

 

 

 

 

Greenblatt

Shakespeare : Will le magnifique

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

Adam et Eve, mythe et historicité

 

 

 

 

 

 

 

Guerre et violence

John Keegan : Histoire de la guerre

Storia della guerra di John Keegan

Guerre et paix à la Fondation Martin Bodmer

Violence, biblique, romaine et Terreur

Violence et vices politiques

Battle royale, cruelle téléréalité

Honni soit qui Syrie pense

Emeutes et violences urbaines

Mortel fait divers et paravent idéologique

Violences policières et antipolicières

Stefan Brijs : Courrier des tranchées

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut Muses Academy

Muses Academy, roman : synopsis, Prologue

I L'ouverture des portes

II Récit de l'Architecte : Uranos ou l'Orgueil

Première soirée : dialogue et jury des Muses

V Récit de la danseuse Terpsichore

IX Récit du cinéaste : L’ecpyrose de l’Envie

XI Récit de la Musicienne : La Gourmandise

XIII Récit d'Erato : la peintresse assassine

XVII Polymnie ou la tyrannie politique

XIX Calliope jeuvidéaste : Civilisation et Barbarie

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Au Coeur des Pyrénées

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Pyrénées entre Aneto et Canigou

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Haut-Languedoc

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Montagne Noire : Journal de marche

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Triptyques

Le carnet des Triptyques géographiques

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Recours aux Monts du Cantal

Traversées. Le recours à la montagne

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Le Marais poitevin

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut La République des rêves

La République des rêves, roman

I Une route des vins de Blaye au Médoc

II La Conscience de Bordeaux

II Le Faust de Bordeaux

III Bironpolis. Incipit

III Bironpolis. Les nuages de Titien 

IV Eros à Sauvages : Les belles inconnues

IV Eros : Mélissa et les sciences politiques

VII Le Testament de Job

VIII De natura rerum. Incipit

VIII De natura rerum. Euro Urba

VIII De natura rerum. Montée vers l’Empyrée

VIII De natura rerum excipit

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Les Métamorphoses de Vivant

I Synopsis, sommaire et prologue

II Arielle Hawks prêtresse des médias

III La Princesse de Monthluc-Parme

IV Francastel, frontnationaliste

V Greenbomber, écoterroriste

VI Lou-Hyde Motion, Jésus-Bouddha-Star

VII Démona Virago, cruella du-postféminisme

 

 

 

 

 

 

Guinhut Voyages en archipel

I De par Marie à Bologne descendu

IX De New-York à Pacifica

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Sonnets des paysages

Sonnets de l'Art poétique

Sonnets autobiographiques

Des peintres : Crivelli, Titien, Rothko, Tàpies, Twombly

Trois requiem : Selma, Mandelstam, Malala

 

 

 

 

 

 

Guinhut Trois vies dans la vie d'Heinz M

I Une année sabbatique

II Hölderlin à Tübingen

III Elégies à Liesel

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Passage des sierras

Un Etat libre en Pyrénées

Le Passage du Haut-Aragon

Vihuet, une disparition

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Ré une île en paradis

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut La Bibliothèque du meurtrier

Synospsis, sommaire et Prologue

I L'Artiste en-maigreur

II Enquête et pièges au labyrinthe

III L'Ecrivain voleur de vies

IV La Salle Maladeta

V Les Neiges du philosophe

VI Le Club des tee-shirts politiques

XIII Le Clone du Couloirdelavie.com.

 

 

 

 

 

 

Haddad

La Sirène d'Isé

Le Peintre d’éventail, Les Haïkus

Corps désirable, Nouvelles de jour et nuit

 

 

 

 

 

 

 

Haine

Du procès contre la haine

 

 

 

 

 

 

 

Hamsun

Faim romantique et passion nazie

 

 

 

 

 

 

 

Haushofer

Albrecht Haushofer : Sonnets de Moabit

Marlen Haushofer : Mur invisible, Mansarde

 

 

 

 

 

 

 

Hayek

De l’humiliation électorale

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Histoire

Histoire du monde en trois tours de Babel

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Statues de l'Histoire et mémoire

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Rome du libéralisme au socialisme

Destruction des Indes : Las Casas, Verne

Jean Claude Bologne historien de l'amour

Jean Claude Bologne : Histoire du scandale

Histoire du vin et culture alimentaire

Corbin, Vigarello : Histoire du corps

Berlin, du nazisme au communisme

De Mahomet au Coran, de la traite arabo-musulmane au mythe al-Andalus

L'Islam parmi le destin français

 

 

 

 

 

 

 

Hobbes

Emeutes urbaines : entre naïveté et guerre

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

 

 

 

 

 

 

 

Hoffmann

Le fantastique d'Hoffmann à Ewers

 

 

 

 

 

 

 

Hölderlin

Trois vies d'Heinz M. II Hölderlin à Tübingen

 

 

 

 

 

 

Homère

Dan Simmons : Ilium science-fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

Homosexualité

Pasolini : Sonnets du manque amoureux

Libertés libérales : Homosexualité, drogues, prostitution, immigration

Garcia Lorca : homosexualité et création

 

 

 

 

 

 

Houellebecq

Extension du domaine de la soumission

 

 

 

 

 

 

 

Humanisme

Erasme et Aldo Manuzio

Etat et utopie de Thomas More

Le Pogge : Facéties et satires morales

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

De la République des Lettres et de Peiresc

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Pic de la Mirandole : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

 

Hustvedt

Vivre, penser, regarder. Eté sans les hommes

Le Monde flamboyant d’une femme-artiste

 

 

 

 

 

 

 

Huxley

Du meilleur des mondes aux Temps futurs

 

 

 

 

 

 

 

Ilis 

Croisade des enfants, Vies parallèles, Livre des nombres

 

 

 

 

 

 

 

Impôt

Vers le paradis fiscal français ?

Sloterdijk : fiscocratie, repenser l’impôt

La dette grecque,  tonneau des Danaïdes

 

 

 

 

 

 

Inde

Coffret Inde, Bhagavad-gita, Nagarjuna

Les hijras d'Arundhati Roy et Anosh Irani

 

 

 

 

 

 

Inégalités

L'argument spécieux des inégalités : Rousseau, Marx, Piketty, Jouvenel, Hayek

 

 

 

 

 

 

Islam

Lettre à une jeune femme politique

Du fanatisme morbide islamiste

Dictatures arabes et ottomanes

Islam et Russie : choisir ses ennemis

Humanisme et civilisation devant le viol

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : dénis

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : défis

Sommes-nous islamophobes ?

Islamologie I Mahomet, Coran, al-Andalus

Islamologie II arabe et Islam en France

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Vérité d’islam et vérités libérales

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Averroès et al-Ghazali

 

 

 

 

 

 

 

Israël

Une épine démocratique parmi l’Islam

Résistance biblique Appelfeld Les Partisans

Amos Oz : un Judas anti-fanatique

 

 

 

 

 

 

 

Jaccottet

Philippe Jaccottet : Madrigaux & Clarté

 

 

 

 

 

 

James

Voyages et nouvelles d'Henry James

 

 

 

 

 

 

 

Jankélévitch

Jankélévitch, conscience et pardon

L'enchantement musical


 

 

 

 

 

 

Japon

Bashô : L’intégrale des haïkus

Kamo no Chômei, cabane de moine et éveil

Kawabata : Pissenlits et Mont Fuji

Kiyoko Murata, Julie Otsuka : Fille de joie

Battle royale : téléréalité politique

Haruki Murakami : Le Commandeur, Kafka

Murakami Ryû : 1969, Les Bébés

Mieko Kawakami : Nuits, amants, Seins, œufs

Ôé Kenzaburô : Adieu mon livre !

Ogawa Yoko : Cristallisation secrète

Ogawa Yoko : Le Petit joueur d’échecs

À l'ombre de Tanizaki

101 poèmes du Japon d'aujourd'hui

Rires du Japon et bestiaire de Kyosai

 

 

 

 

 

 

Jünger

Carnets de guerre, tempêtes du siècle

 

 

 

 

 

 

 

Kafka

Justice au Procès : Kafka et Welles

L'intégrale des Journaux, Récits et Romans

 

 

 

 

 

 

Kant

Grandeurs et descendances des Lumières

Qu’est-ce que l’obscurantisme socialiste ?

 

 

 

 

 

 

 

Karinthy

Farémido, Epépé, ou les pays du langage

 

 

 

 

 

 

Kawabata

Pissenlits, Premières neiges sur le Mont Fuji

 

 

 

 

 

 

Kehlmann

Tyll Ulespiegle, Les Arpenteurs du monde

 

 

 

 

 

 

Kertész

Kertész : Sauvegarde contre l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Kjaerstad

Le Séducteur, Le Conquérant, Aléa

 

 

 

 

 

 

Knausgaard

Autobiographies scandinaves

 

 

 

 

 

 

Kosztolanyi

Portraits, Kornél Esti

 

 

 

 

 

 

 

Krazsnahorkaï

La Venue d'Isaie ; Guerre & Guerre

Le retour de Seiobo et du baron Wenckheim

 

 

 

 

 

 

 

La Fontaine

Des Fables enfantines et politiques

Guinhut : Fables politiques

 

 

 

 

 

 

Lagerlöf

Le voyage de Nils Holgersson

 

 

 

 

 

 

 

Lainez

Lainez : Bomarzo ; Fresan : Melville

 

 

 

 

 

 

 

Lamartine

Le lac, élégie romantique

 

 

 

 

 

 

 

Lampedusa

Le Professeur et la sirène

 

 

 

 

 

 

Langage

Euphémisme et cliché euphorisant, novlangue politique

Langage politique et informatique

Langue de porc et langue inclusive

Vulgarité langagière et règne du langage

L'arabe dans la langue française

George Steiner, tragédie et réelles présences

Vocabulaire européen des philosophies

Ben Marcus : L'Alphabet de flammes

 

 

 

 

 

 

Larsen 

L’Extravagant voyage de T.S. Spivet

 

 

 

 

 

 

 

Legayet

Satire de la cause animale et botanique

 

 

 

 

 

 

Leopardi

Génie littéraire et Zibaldone par Citati

 

 

 

 

 

 

 

Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

 

 

 

 

 

 

 

Libertés, Libéralisme

Pourquoi je suis libéral

Pour une éducation libérale

Du concept de liberté aux Penseurs libéraux

Lettre à une jeune femme politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Requiem pour la liberté d’expression

Qui est John Galt ? Ayn Rand : La Grève

Ayn Rand : Atlas shrugged, la grève libérale

Mario Vargas Llosa, romancier des libertés

Homosexualité, drogues, prostitution

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

Rome du libéralisme au socialisme

 

 

 

 

 

 

Lins

Osman Lins : Avalovara, carré magique

 

 

 

 

 

 

 

Littell

Les Bienveillantes, mythe et histoire

 

 

 

 

 

 

 

Lorca

La Colombe de Federico Garcia Lorca

 

 

 

 

 

 

Lovecraft

Depuis l'abîme du temps : l'appel de Cthulhu

Lovecraft, Je suis Providence par S.T. joshi

 

 

 

 

 

 

Lugones

Fantastique, anticipation, Forces étranges

 

 

 

 

 

 

Lumières

Grandeurs et descendances des Lumières

D'Holbach : La Théologie portative

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

 

 

 

 

 

Machiavel

Actualités de Machiavel : Le Prince

 

 

 

 

 

 

 

Magris

Secrets et Enquête sur une guerre classée

 

 

 

 

 

 

 

Makouchinski

Un bateau pour l'Argentine

 

 

 

 

 

 

Mal

Hannah Arendt : De la banalité du mal

De l’origine et de la rédemption du mal : théologie, neurologie et politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Christianophobie et désir de barbarie

Cabré Confiteor, Menéndez Salmon Medusa

Roberto Bolano : 2666, Nocturne du Chili

 

 

 

 

 

 

 

Maladie, peste

Maladie et métaphore : Wagner, Maï, Zorn

Pandémies historiques et idéologiques

Pandémies littéraires : M Shelley, J London, G R. Stewart, C McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Mandelstam

Poésie à Voronej et Oeuvres complètes

Trois requiem, sonnets

 

 

 

 

 

 

 

Manguel

Le cheminement dantesque de la curiosité

Le Retour et Nouvel éloge de la folie

Voyage en utopies

Lectures du mythe de Frankenstein

Je remballe ma bibliothèque

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

 

Mann Thomas

Thomas Mann magicien faustien du roman

 

 

 

 

 

 

 

Marcher

De L’Art de marcher

Flâneurs et voyageurs

Le Passage des sierras

Le Recours aux Monts du Cantal

Trois vies d’Heinz M. I Une année sabbatique

 

 

 

 

 

 

Marcus

L’Alphabet de flammes, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

 

Mari

Les Folles espérances, fresque italienne

 

 

 

 

 

 

 

Marino

Adonis, un grand poème baroque

 

 

 

 

 

 

 

Marivaux

Le Jeu de l'amour et du hasard

 

 

 

 

 

 

Martin Georges R.R.

Le Trône de fer, La Fleur de verre : fantasy, morale et philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Martin Jean-Clet

Philosopher la science-fiction et le cinéma

Enfer de la philosophie et Coup de dés

Déconstruire Derrida

 

 

 

 

 

 

 

Marx

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

« Hommage à la culture communiste »

De l’argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

Mattéi

Petit précis de civilisations comparées

 

 

 

 

 

 

 

McEwan

Satire et dystopie : Une Machine comme moi, Sweet Touch, Solaire

 

 

 

 

 

 

Méditerranée

Histoire et visages de la Méditerranée

 

 

 

 

 

 

Mélancolie

Mélancolie de Burton à Földenyi

 

 

 

 

 

 

 

Melville

Billy Budd, Olivier Rey, Chritophe Averlan

Roberto Abbiati : Moby graphick

 

 

 

 

 

 

Mille et une nuits

Les Mille et une nuits de Salman Rushdie

Schéhérazade, Burton, Hanan el-Cheikh

 

 

 

 

 

 

Mitchell

Des Ecrits fantômes aux Mille automnes

 

 

 

 

 

 

 

Mode

Histoire et philosophie de la mode

 

 

 

 

 

 

Montesquieu

Eloge des arts, du luxe : Lettres persanes

Lumière de L'Esprit des lois

 

 

 

 

 

 

 

Moore

La Voix du feu, Jérusalem, V for vendetta

 

 

 

 

 

 

 

Morale

Notre virale tyrannie morale

 

 

 

 

 

 

 

More

Etat, utopie, justice sociale : More, Ogien

 

 

 

 

 

 

Morrison

Délivrances : du racisme à la rédemption

L'amour-propre de l'artiste

 

 

 

 

 

 

 

Moyen Âge

Rythmes et poésies au Moyen Âge

Umberto Eco : Baudolino

Christine de Pizan, poète feministe

Troubadours et érotisme médiéval

Le Goff, Hildegarde de Bingen

 

 

 

 

 

 

Mulisch

Siegfried, idylle noire, filiation d’Hitler

 

 

 

 

 

 

 

Murakami Haruki

Le meurtre du commandeur, Kafka

Les licornes de La Fin des temps

 

 

 

 

 

 

Musique

Musique savante contre musique populaire

Pour l'amour du piano et des compositrices

Les Amours de Brahms et Clara Schumann

Mizubayashi : Suite, Recondo : Grandfeu

Jankélévitch : L'Enchantement musical

Lady Gaga versus Mozart La Reine de la nuit

Lou Reed : chansons ou poésie ?

Schubert : Voyage d'hiver par Ian Bostridge

Grozni : Chopin contre le communisme

Wagner : Tristan und Isold et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

Mythes

La Genèse illustrée par l'abstraction

Frankenstein par Manguel et Morvan

Frankenstein et autres romans gothiques

Dracula et autres vampires

Testart : L'Amazone et la cuisinière

Métamorphoses d'Ovide

Luc Ferry : Mythologie et philosophie

L’Enfer, mythologie des lieux, Hugo Lacroix

 

 

 

 

 

 

 

Nabokov

La Vénitienne et autres nouvelles

De l'identification romanesque

 

 

 

 

 

 

 

Nadas

Mémoire et Mélancolie des sirènes

La Bible, Almanach

 

 

 

 

 

 

Nadaud

Des montagnes et des dieux, deux fictions

 

 

 

 

 

 

Naipaul

Masque de l’Afrique, Semences magiques

 

 

 

 

 

 

 

Nietzsche

Bonheurs, trahisons : Dictionnaire Nietzsche

Romantisme et philosophie politique

Nietzsche poète et philosophe controversé

Les foudres de Nietzsche sont en Pléiade

Jean-Clet Martin : Enfer de la philosophie

Violences policières et antipolicières

 

 

 

 

 

 

Nooteboom

L’écrivain au parfum de la mort

 

 

 

 

 

 

Norddahl

SurVeillance, holocauste, hermaphrodisme

 

 

 

 

 

 

Oates

Le Sacrifice, Mysterieux Monsieur Kidder

 

 

 

 

 

 

 

Ôé Kenzaburo

Ôé, le Cassandre nucléaire du Japon

 

 

 

 

 

 

Ogawa 

Cristallisation secrète du totalitarisme

Au Musée du silence : Le Petit joueur d’échecs, La jeune fille à l'ouvrage

 

 

 

 

 

 

Onfray

Faut-il penser Michel Onfray ?

Censures et Autodafés

Cosmos

 

 

 

 

 

 

Oppen

Oppen, objectivisme et Format américain

Oppen

 

Orphée

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

 

 

 

 

 

 

Orwell

L'orwellisation sociétale

Cher Big Brother, Prism américain, français

Euphémisme, cliché euphorisant, novlangue

Contrôles financiers ou contrôles étatiques ?

Orwell 1984

 

Ovide

Métamorphoses et mythes grecs

 

 

 

 

 

 

 

Palahniuk

Le réalisme sale : Peste, L'Estomac, Orgasme

 

 

 

 

 

 

Palol

Le Jardin des Sept Crépuscules, Le Testament d'Alceste

 

 

 

 

 

 

 

Pamuk

Autobiographe d'Istanbul

Le musée de l’innocence, amour, mémoire

 

 

 

 

 

 

 

Panayotopoulos

Le Gène du doute, ou l'artiste génétique

Panayotopoulos

 

Panofsky

Iconologie de la Renaissance

 

 

 

 

 

 

Paris

Les Chiffonniers de Paris au XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

 

Pasolini

Sonnets des tourments amoureux

 

 

 

 

 

 

Pavic

Dictionnaire khazar, Boite à écriture

 

 

 

 

 

 

 

Peinture

Traverser la peinture : Arasse, Poindron

Le tableau comme relique, cri, toucher

Peintures et paysages sublimes

Sonnets des peintres : Crivelli, Titien, Rohtko, Tapiès, Twombly

 

 

 

 

 

 

Perec

Les Lieux de Georges Perec

 

 

 

 

 

 

 

Perrault

Des Contes pour les enfants ?

Perrault Doré Chat

 

Pétrarque

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Du Canzoniere aux Triomphes

 

 

 

 

 

 

 

Petrosyan

La Maison dans laquelle

 

 

 

 

 

 

Philosophie

Mondialisations, féminisations philosophiques

 

 

 

 

 

 

Photographie

Photographie réaliste et platonicienne : Depardon, Meyerowitz, Adams

La photographie, biographème ou oeuvre d'art ? Benjamin, Barthes, Sontag

Ben Loulou des Sanguinaires à Jérusalem

Ewing : Le Corps, Love and desire

 

 

 

 

 

 

Picaresque

Smollett, Weerth : Vaurien et Chenapan

 

 

 

 

 

 

 

Pic de la Mirandole

Humanisme philosophique : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

Pierres

Musée de minéralogie, sexe des pierres

 

 

 

 

 

 

Pisan

Cent ballades, La Cité des dames

 

 

 

 

 

 

Platon

Faillite et universalité de la beauté

 

 

 

 

 

 

Poe

Edgar Allan Poe, ange du bizarre

 

 

 

 

 

 

 

Poésie

Anthologie de la poésie chinoise

À une jeune Aphrodite de marbre

Brésil, Anthologie XVI°- XX°

Chanter et enchanter en poésie 

Emaz, Sacré : anti-lyrisme et maladresse

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

Histoire de la poésie du XX° siècle

Japon poétique d'aujourd'hui

Lyrisme : Riera, Voica, Viallebesset, Rateau

Marteau : Ecritures, sonnets

Oppen, Padgett, Objectivisme et lyrisme

Pizarnik, poèmes de sang et de silence

Poésie en vers, poésie en prose

Poésies verticales et résistances poétiques

Du romantisme à la Shoah

Anthologies et poésies féminines

Trois vies d'Heinz M, vers libres

Schlechter : Le Murmure du monde

 

 

 

 

 

 

Pogge

Facéties, satires morales et humanistes

 

 

 

 

 

 

 

Policier

Chesterton, prince de la nouvelle policière

Terry Hayes : Je suis Pilgrim ou le fanatisme

Les crimes de l'artiste : Pobi, Kellerman

Bjorn Larsson : Les Poètes morts

Chesterton father-brown

 

Populisme

Populisme, complotisme et doxa

 

 

 

 

 

 

 

Porter
La Douleur porte un masque de plumes

 

 

 

 

 

 

 

Portugal

Pessoa et la poésie lyrique portugaise

Tavares : un voyage en Inde et en vers

 

 

 

 

 

 

Pound

Ezra Pound, poète politique controversé par Mary de Rachewiltz et Pierre Rival

 

 

 

 

 

 

Powers

Générosité, Chambre aux échos, Sidérations

Orfeo, le Bach du bioterrorisme

L'éco-romancier de L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

 

Pressburger

L’Obscur royaume, ou l’enfer du XX° siècle

Pressburger

 

Proust

Le baiser à Albertine : À l'ombre des jeunes filles en fleurs

Illustrations, lectures et biographies

Le Mystérieux correspondant, 75 feuillets

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

Pynchon

Contre-jour, une quête de lumière

Fonds perdus du web profond & Vice caché

Vineland, une utopie postmoderne

 

 

 

 

 

 

 

Racisme

Racisme et antiracisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Ecrivains noirs : Wright, Ellison, Baldwin, Scott Heron, Anthologie noire

 

 

 

 

 

 

Rand

Qui est John Galt ? La Source vive, La Grève

Atlas shrugged et La grève libérale

 

 

 

 

 

 

Raspail

Sommes-nous islamophobes ?

Camp-des-Saints

 

Reed Lou

Chansons ou poésie ? L’intégrale

 

 

 

 

 

 

 

Religions et Christianisme

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Catholicisme versus polythéisme

Eloge du blasphème

De Jésus aux chrétiennes uchronies

Le Livre noir de la condition des Chrétiens

D'Holbach : Théologie portative et humour

De l'origine des dieux ou faire parler le ciel

Eloge paradoxal du christianisme

 

 

 

 

 

 

Renaissance

Renaissance historique et humaniste

 

 

 

 

 

 

 

Revel

Socialisme et connaissance inutile

 

 

 

 

 

 

 

Richter Jean-Paul

Le Titan du romantisme allemand

 

 

 

 

 

 

 

Rios

Nouveaux chapeaux pour Alice, Chez Ulysse

 

 

 

 

 

 

Rilke

Sonnets à Orphée, Poésies d'amour

 

 

 

 

 

 

 

Roman 

Adam Thirlwell : Le Livre multiple

Miscellanées littéraires : Cloux, Morrow...

L'identification romanesque : Nabokov, Mann, Flaubert, Orwell...

Nabokov Loilita folio

 

Rome

Causes et leçons de la chute de Rome

Rome de César à Fellini

Romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

 

Ronsard

Pléiade & Sonnet pour Hélène LXVIII

 

 

 

 

 

 

 

Rostand

Cyrano de Bergerac : amours au balcon

 

 

 

 

 

 

Roth Philip

Hitlérienne uchronie contre l'Amérique

Les Contrevies de la Bête qui meurt

 

 

 

 

 

 

Rousseau

Archéologie de l’écologie politique

De l'argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

 

Rushdie

Joseph Anton, plaidoyer pour les libertés

Quichotte, Langages de vérité

Entre Averroès et Ghazali : Deux ans huit mois et vingt-huit nuits

Rushdie 6

 

Russell

De la fumisterie intellectuelle

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Russell F

 

Russie

Islam, Russie, choisir ses ennemis

Golovkina : Les Vaincus ; Annenkov : Journal

Les dystopies de Zamiatine et Platonov

Isaac Babel ou l'écriture rouge

Ludmila Oulitskaia ou l'âme de l'Histoire

Bounine : Coup de soleil, nouvelles

 

 

 

 

 

 

 

Sade

Sade, ou l’athéisme de la sexualité

 

 

 

 

 

 

 

San-Antonio

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

 

Sansal

2084, conte orwellien de la théocratie

Le Train d'Erlingen, métaphore des tyrannies

 

Schlink

Filiations allemandes : Le Liseur, Olga

 

 

 

 

 

 

Schmidt Arno

Un faune pour notre temps politique

Le marcheur de l’immortalité

Arno Schmidt Scènes

 

Sciences

Agonie scientifique et sophisme français

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

Tyrannie écologique et suicide économique

Wohlleben : La Vie secrète des arbres

Factualité, catastrophisme et post-vérité

Cosmos de science, d'art et de philosophie

Science et guerre : Volpi, Labatut

L'Eglise est-elle contre la science ?

Inventer la nature : aux origines du monde

Minéralogie et esthétique des pierres

 

 

 

 

 

 

Science fiction

Philosopher la science fiction

Ballard : un artiste de la science fiction

Carrion : les orphelins du futur

Dyschroniques et écofictions

Gibson : Neuromancien, Identification

Le Guin : La Main gauche de la nuit

Magnason : LoveStar, Kling : Quality Land

Miller : L’Univers de carton, Philip K. Dick

Mnémos ou la mémoire du futur

Silverberg : Roma, Shadrak, stochastique

Simmons : Ilium et Flashback géopolitiques

Sorokine : Le Lard bleu, La Glace, Telluria

Stalker, entre nucléaire et métaphysique

Théorie du tout : Ourednik, McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Self 

Will Self ou la théorie de l'inversion

Parapluie ; No Smoking

 

 

 

 

 

 

 

Sender

Le Fugitif ou l’art du huis-clos

 

 

 

 

 

 

 

Seth

Golden Gate. Un roman en sonnets

Seth Golden gate

 

Shakespeare

Will le magnifique ou John Florio ?

Shakespeare et la traduction des Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

La Tempête, Othello : Atwood, Chevalier

 

 

 

 

 

 

 

Shelley Mary et Percy Bysshe

Le mythe de Frankenstein

Frankenstein et autres romans gothiques

Le Dernier homme, une peste littéraire

La Révolte de l'Islam

Frankenstein Shelley

 

Shoah

Ecrits des camps, Philosophie de la shoah

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Paul Celan minotaure de la poésie

 

 

 

 

 

 

Silverberg

Uchronies et perspectives politiques : Roma aeterna, Shadrak, L'Homme-stochastique

 

 

 

 

 

 

 

Simmons

Ilium et Flashback géopolitiques

 

 

 

 

 

 

Sloterdijk

Les sphères de Peter Sloterdijk : esthétique, éthique politique de la philosophie

Gris politique et Projet Schelling

Contre la « fiscocratie » ou repenser l’impôt

Les Lignes et les jours. Notes 2008-2011

Elégie des grandeurs de la France

Faire parler le ciel. De la théopoésie

Archéologie de l’écologie politique

 

 

 

 

 

 

Smith Adam

Pourquoi je suis libéral

Tempérament et rationalisme politique

 

 

 

 

 

 

 

Smith Patti

De Babel au Livre de jours

 

 

 

 

 

 

Sofsky

Violence et vices politiques

Surveillances étatiques et entrepreneuriales

 

 

 

 

 

 

 

Sollers

Vie divine de Sollers et guerre du goût

Dictionnaire amoureux de Venise

Sollersd-vers-le-paradis-dante

 

Somoza

Daphné disparue et les Muses dangereuses

Les monstres de Croatoan et de Dieu mort

 

 

 

 

 

 

Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Barrett Browning et autres sonnettistes 

Marteau : Ecritures  

Pasolini : Sonnets du tourment amoureux

Phénix, Anthologie de sonnets

Seth : Golden Gate, roman en vers

Shakespeare : Six Sonnets traduits

Haushofer : Sonnets de Moabit

Sonnets autobiographiques

Sonnets de l'Art poétique

 

 

 

 

 

 

Sorcières

Sorcières diaboliques et féministes

 

 

 

 

 

 

Sorokine

Le Lard bleu, La Glace, Telluria

 

 

 

 

 

 

 

Sorrentino

Ils ont tous raison, déboires d'un chanteur

 

 

 

 

 

 

 

Sôseki

Rafales d'automne sur un Oreiller d'herbes

Poèmes : du kanshi au haïku

 

 

 

 

 

 

 

Spengler

Déclin de l'Occident de Spengler à nos jours

 

 

 

 

 

 

 

Sport

Vulgarité sportive, de Pline à 0rwell

 

 

 

 

 

 

 

Staël

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Starobinski

De la Mélancolie, Rousseau, Diderot

Starobinski 1

 

Steiner

Oeuvres : tragédie et réelles présences

De l'incendie des livres et des bibliothèques

 

 

 

 

 

 

 

Stendhal

Julien lecteur bafoué, Le Rouge et le noir

L'échelle de l'amour entre Julien et Mathilde

Les spectaculaires funérailles de Julien

 

 

 

 

 

 

 

Stevenson

La Malle en cuir ou la société idéale

Stevenson

 

Stifter

L'Arrière-saison des paysages romantiques

 

 

 

 

 

 

Strauss Leo

Pour une éducation libérale

 

 

 

 

 

 

Strougatski

Stalker, nucléaire et métaphysique

 

 

 

 

 

 

 

Szentkuthy

Le Bréviaire de Saint Orphée, Europa minor

 

 

 

 

 

 

Tabucchi

Anges nocturnes, oiseaux, rêves

 

 

 

 

 

 

 

Temps, horloges

Landes : L'Heure qu'il est ; Ransmayr : Cox

Temps de Chronos et politique des oracles

 

 

 

 

 

 

 

Tesich

Price et Karoo, revanche des anti-héros

Karoo

 

Texier

Le démiurge de L’Alchimie du désir

 

 

 

 

 

 

 

Théâtre et masques

Masques & théâtre, Fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

Thoreau

Journal, Walden et Désobéissance civile

 

 

 

 

 

 

 

Tocqueville

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Au désert des Indiens d’Amérique

 

 

 

 

 

 

Tolstoï

Sonate familiale chez Sofia & Léon Tolstoi, chantre de la désobéissance politique

 

 

 

 

 

 

 

Totalitarismes

Ampuero : la faillite du communisme cubain

Arendt : banalité du mal et de la culture

« Hommage à la culture communiste »

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

Mussolini et le fascisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Muses Academy : Polymnie ou la tyrannie

Tempérament et rationalisme politique 

Hayes : Je suis Pilgrim ; Tejpal

Meerbraum, Mandelstam, Yousafzai

 

 

 

 

 

 

 

Trollope

L’Ange d’Ayala, satire de l’amour

Trollope ange

 

Trump

Entre tyrannie et rhinocérite, éloge et blâme

À la recherche des années Trump : G Millière

 

 

 

 

 

 

 

Tsvetaeva

Poèmes, Carnets, Chroniques d’un goulag

Tsvetaeva Clémence Hiver

 

Ursin

Jean Ursin : La prosopopée des animaux

 

 

 

 

 

 

Utopie, dystopie, uchronie

Etat et utopie de Thomas More

Zamiatine, Nous et l'Etat unitaire

Huxley : Meilleur des mondes, Temps futurs

Orwell, un novlangue politique

Margaret Atwood : La Servante écarlate

Hitlérienne uchronie : Lewis, Burdekin, K.Dick, Roth, Scheers, Walton

Utopies politiques radieuses ou totalitaires : More, Mangel, Paquot, Caron

Dyschroniques, dystopies

Ernest Callenbach : Ecotopia

Herland parfaite république des femmes

A. Waberi : Aux Etats-unis d'Afrique

Alan Moore : V for vendetta, Jérusalem

L'hydre de l'Etat : Karlsson, Sinisalo

 

 

 

 

 

 

Valeurs, relativisme

De Nathalie Heinich à Raymond Boudon

 

 

 

 

 

 

 

Vargas Llosa

Vargas Llosa, romancier des libertés

Aux cinq rues Lima, coffret Pléiade

Littérature et civilisation du spectacle

Rêve du Celte et Temps sauvages

Journal de guerre, Tour du monde

Arguedas ou l’utopie archaïque

Vargas-Llosa-alfaguara

 

Venise

Strates vénitiennes et autres canaux d'encre

 

 

 

 

 

 

 

Vérité

Maîtres de vérité et Vérité nue

 

 

 

 

 

 

Verne

Colonialisme : de Las Casas à Jules Verne

 

 

 

 

 

 

Vesaas

Le Palais de glace

 

 

 

 

 

 

Vigolo

La Virgilia, un amour musical et apollinien

Vigolo Virgilia 1

 

Vila-Matas

Vila-Matas écrivain-funambule

 

 

 

 

 

 

Vin et culture alimentaire

Histoire du vin et de la bonne chère de la Bible à nos jours

 

 

 

 

 

 

Visage

Hans Belting : Faces, histoire du visage

 

 

 

 

 

 

 

Vollmann

Le Livre des violences

Central Europe, La Famille royale

Vollmann famille royale

 

Volpi

Volpi : Klingsor. Labatut : Lumières aveugles

Des cendres du XX°aux cendres du père

Volpi Busca 3

 

Voltaire

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

Espmark : Le Voyage de Voltaire

 

 

 

 

 

 

 

Vote

De l’humiliation électorale

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Voyage, villes

Villes imaginaires : Calvino, Anderson

Flâneurs, voyageurs : Benjamin, Woolf

 

 

 

 

 

 

 

Wagner

Tristan und Isolde et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Walcott

Royaume du fruit-étoile, Heureux voyageur

Walcott poems

 

Walton

Morwenna, Mes vrais enfants

 

 

 

 

 

 

Welsh

Drogues et sexualités : Trainspotting, La Vie sexuelle des soeurs siamoises

 

 

 

 

 

 

 

Whitman

Nouvelles et Feuilles d'herbes

 

 

 

 

 

 

 

Wideman

Trilogie de Homewood, Projet Fanon

Le péché de couleur : Mémoires d'Amérique

Wideman Belin

 

Williams

Stoner, drame d’un professeur de littérature

Williams Stoner939

 

 

Wolfe

Le Règne du langage

 

 

 

 

 

 

Wordsworth

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

 

Yeats

Derniers poèmes, Nôs irlandais, Lettres

 

 

 

 

 

 

 

Zamiatine

Nous : le bonheur terrible de l'Etat unitaire

 

 

 

 

 

 

Zao Wou-Ki

Le peintre passeur de poètes

 

 

 

 

 

 

 

Zimler

Lazare, Le ghetto de Varsovie

 

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